Alassane Ouattara, reconnu par la communauté internationale comme le président élu de la Côte-d'Ivoire, a endossé, jeudi, les habits de sa fonction en s'adressant à la nation dans un discours solennel retransmis par la télévision d'Etat. À défaut d'arrêter ou de chasser son adversaire, Laurent Gbagbo, qui a refusé de céder le pouvoir après sa défaite à l'élection présidentielle, il y a quatre mois, il semble néanmoins sûr de l'avoir neutralisé. “Un blocus a été établi autour du périmètre” de la résidence présidentielle, où s'est retranché Laurent Gbagbo avec quelques 200 hommes dotés d'armes lourdes, rejetant toutes les propositions et refusant toute négociation, a affirmé le nouvel homme fort de Côte-d'Ivoire. Ce cordon sanitaire, qui coupe Laurent Gbagbo du monde extérieur, a été mis en place par les forces armées fidèles à Ouattara et celles de l'Onuci, appuyées par les troupes françaises de la force Licorne. L'offensive militaire d'Alassane Ouattara, déclenchée il y a douze jours et soutenue par l'Onuci et l'aviation française, a donc réussi à renverser la situation, puisque depuis quatre mois, c'est Gbagbo qui portait l'habit présidentiel, alors que son adversaire était confiné dans un hôtel, protégé par un cordon sanitaire de l'Onuci et de l'armée française. Dans les moments forts de son intervention, le nouveau président a appelé à “la réconciliation nationale”, réaffirmé que la Côte-d'Ivoire est “une et indivisible” et invité ses compatriotes “à s'abstenir de tout acte de vengeance”, étant entendu que la justice sera particulièrement sévère avec les coupables des massacres perpétrés depuis quatre mois, et particulièrement ces derniers jours. Il a, en outre, demandé la levée des sanctions européennes qui paralysent l'économie du pays et souhaité la réouverture de la Banque centrale d'Afrique de l'Ouest dont le retrait a bloqué le système bancaire ivoirien. Alassane Ouattara espère ramener le calme à Abidjan, cette mégapole de 5 millions d'habitants ressemblant à une ville fantôme, livrée au pillage, au crime et aux exactions de toutes sortes. Mais le retour à la paix n'est pas chose aisée, tant la situation est chaotique et tant que des fidèles de Gbagbo possèdent encore une capacité de nuisance certaine et que leur leader s'entête à refuser l'évidence. Le nouveau président a assuré toutefois pouvoir compter sur le concours du général Kassaraté, commandant de la gendarmerie, et sur celui du général Brendou, à la tête de la police, tous deux fidèles à Laurent Gbagbo dans un passé récent. La position du chef d'état-major des armées, Philippe Mangou, qui a appelé ces derniers jours à un cessez-le-feu, et celle du général Brunot Blé-Dogbo, retranché à l'intérieur du palais présidentiel à la tête d'un millier de soldats d'élite de la Garde républicaine, n'a pas été clarifiée. Si ces deux hommes venaient à lâcher Gbagbo, ce dernier perdrait tout crédit militaire et sa chute s'accélérerait. Au total, le président sortant peut compter aujourd'hui sur un noyau dur de quelque 5 000 militaires, alors qu'ils étaient plus de 55 000 récemment encore. Des négociations sont donc en cours pour trouver une solution à cette situation inédite et remettre le pays en ordre de marche, en réinstaurant la sécurité d'abord, et en mettant fin au désastre humanitaire dont les nombreuse victimes s'ajoutent à celles des affrontements armés. “La seule issue à ce désordre est qu'Alassane Ouattara parvienne à ses fins. Ce sera de toute façon l'issue de ce conflit. La question essentielle est maintenant celle du temps”, selon un expert militaire. En effet, le temps est précieux et chaque jour de plus que dure le conflit installe davantage le chaos. M. A. Boumendil