Nous ne bougerons pas d'ici tant que la Présidence ne nous recevra pas», s'écrie un jeune résident entouré d'une centaine d'autres médecins mobilisés durant toute la journée d'hier à El Mouradia. Difficile de se faire entendre avec les échos des slogans scandés autour, mais le résident poursuit en haussant le ton : «Nous nous sommes présentés pour remettre une lettre ouverte au Président, mais on nous a annoncé qu'il ne recevrait plus personne à compter d'aujourd'hui.» Plus de 2500 médecins résidents ont bloqué, durant toute la journée d'hier, les trottoirs menant à la Présidence, décidés à ne les quitter qu'une fois leur lettre reçue. Et ils n'étaient pas seuls à porter des banderoles, des drapeaux et des pancartes. Des étudiants en chirurgie dentaire, des internes en médecine et des résidents en pharmacie se sont également joints au mouvement par centaines. Un grand moment d'euphorie et de colère portées par ces blouses blanches déterminées à aller au bout de leur protestation. Suite à l'échec des négociations organisées dans le cadre des trois commissions mixtes installées lundi dernier par le ministère de la Santé, la sortie dans la rue s'est imposée à eux, presque comme une évidence. Ce rassemblement, prévu au début pour une ou deux heures de temps, s'est étalé sur toute la journée d'hier. Une mobilisation exacerbée par le refus de la Présidence de recevoir leur lettre ouverte. Poursuites judiciaires La police a contenu le mouvement de foule et l'a empêché d'accéder aux portes de la Présidence. «Laissez-les s'exprimer», s'écrie une vieille dame de passage en regardant sévèrement les jeunes policiers restés statiques devant cette interpellation. Mais les manifestants ont trouvé le moyen de déjouer les stratégies d'encerclement du cordon de sécurité très spontanément en occupant les deux trottoirs de l'allée. Ainsi, ils se sont fait écho dans leurs slogans et n'ont cessé de crier leur colère et leur détermination. «Solidaires, médecins en colère», «Dignité, fierté pour les résidents», «Bouteflika SOS», «Président, sauvez les résidents !», «Plus de service civil, grève illimitée» sont autant de slogans qui n'ont cessé de gagner en conviction, notamment lorsque la majorité des délégués présents ont reçu des appels de leurs hôpitaux les informant que des huissiers de justice et des policiers s'étaient présentés à leurs services pour leur remettre des assignations. Leur réponse s'est faite en cris portés par tous leurs collègues : «Maranach khayfine, rana baytine ! (Nous n'avons pas peur et nous passerons la nuit ici).» Dans cette exaltation ambiante, un incident est arrivé tout de même à instaurer le silence. L'effondrement d'un des piliers du mur du lycée Cheikh Bouamama qui a blessé une jeune résidente et deux autres médecins. Plus de peur que de mal, tous les trois sont évacués et la mobilisation reprend avec autant d'entrain, si ce n'est plus. «Notre détermination a redoublé après les réunions des commissions qui ont démontré leur échec. On nous a traités avec mépris et on nous a bien expliqué que le seul but de ces commissions est d'aboutir à l'essoufflement de notre mouvement. On se retourne tout naturellement vers le Président pour demander nos droits !», explique sur un ton saccadé le docteur Widad Chettibi, délégué de l'hôpital Parnet, avant de rejoindre la foule. Les délégués venus des quatre coins du pays ont affiché autant d'obstination que ceux de la capitale. Leur mot d'ordre : «Ne reculer devant rien !». Chants patriotiques, cris de révolte, dessins sur pancartes, applaudissements et slogans qui riment, tous les moyens d'expression ont été pensés pour s'affirmer durant cette action. Les médecins protestataires ont mis fin à leur sit-in en fin d'après-midi. Ils n'ont pas pour autant l'intention d'en rester là. Une réunion nationale est prévue ce week-end pour discuter de la démarche à suivre après cette première démonstration de force, mais les options les plus radicales sont déjà envisagées : la démission collective en est la plus frappante.