L'homme n'est pas loquace, à la limite du taciturne. Il ne parle pas ou si peu. Il peint. Ses œuvres le suppléent, épousent l'ère du temps, se confondent avec l'actualité et on peut y deviner celle de tout un pays. Ses thèmes, aussi variés que puissants, sont puisés d'un puits de références où l'art, la géographie et l'ethnie se rencontrent dans un “tsunami” de couleurs et d'impressions. Ses toiles se bousculent pour l'exprimer mais lui, il préfère se taire pour que sa peinture se substitue à la parole. Saïd Chender, artiste-peintre, a 47 ans, l'âge de la déraison artistique, l'âge de la recomposition graphique, l'âge où le doute et les réminiscences sont effacés d'un mouvement de pinceau invisible. L'homme a vécu et survécu à sa période obscure, a traversé le couloir de la solitude, a marché sur et dans les années de braise, l'artiste en a profité pour immortaliser cette parenthèse sur des toiles noircies en conférant au goudron un rôle insoupçonné, en lui prêtant un côté esthétique. “Personne ne se soucie du goudron mais j'ai voulu lui faire jouer un autre rôle”, se confessera Saïd Chender, en évoquant sa période “noire”. Ses sujets de prédilection épousaient aisément les événements dramatiques que vivait l'Algérie. “Pas uniquement, je m'intéressais également à ce qui se passait à l'international, l'Irak, la Palestine”, précisera le natif d'Oran. Le “Guernica” de Picasso à la sauce algérienne, en quelque sorte. “Je ne fais pas de la peinture pour plaire mais pour faire passer un message”, dira-t-il encore. L'artiste introduira graduellement, à partir de 2000, des couleurs dans ses œuvres en trouvant, presque par hasard, sa propre signature artistique, celle qui fait référence à du “Chender”. Un triptyque qui divise l'univers de la toile en trois entités distinctes et complémentaires à la fois, tout en gardant des séquelles de cette période “noire” avec des couleurs sombres et suggestives encadrant la matrice originelle. Une voie qu'il a travaillée et perfectionnée avec des techniques mixtes et surtout en créant une méthode “hybride”, en conciliant le figuratif et l'abstractif dans une synthèse symbiotique pour en faire, à la fin, une toile à la mesure de son talent. “Pour ne pas renier mes principes académiques”, expliquera-t-il. Si l'homme est peu loquace, le peintre, lui, par contre, se lâche dans ses voyages à travers des sujets pertinemment féminins, jusqu'à le soupçonner de donner la part belle aux femmes qu'on retrouve avec plaisir dans beaucoup de ses œuvres. Des tableaux “matriarcaux” qui s'imposent avec force dans l'univers artistique de Saïd Chender, entre femmes-objets, mères, maitresses et ingénues. Saïd Chender exposera à Oran, à la galerie Lotus-Pigier à partir du 21 avril prochain.