Le siège de Sonatrach a vécu, jeudi dernier, une journée bien singulière. Le contraste était au rendez-vous. Face aux mines austères des employés de la “boîte”, des jeunes étudiants de l'école nationale polytechnique (ENP) d'Alger sont venus égayer l'ambiance. Pourtant, leur présence n'avait rien d'une excursion. Au contraire, puisqu'il s'agissait de l'avenir énergétique de l'Algérie et des retombées de la catastrophe de Fukushima. Des sujets qui sont venus remettre sur le tapis l'urgence de l'utilisation des énergies renouvelables pour parer à toute éventualité. C'était à l'occasion de la 15e journée de l'énergie, organisée par le laboratoire de valorisation des énergies fossiles de l'ENP. Un rendez-vous qui se déroulait la première fois au siège de Sonatrach. Pourquoi pas avant ? Certains feront rapidement le parallèle entre le P-DG et l'école. Loin d'être faux. Lors de l'édition de l'année dernière, Noureddine Cherouati, polytechnicien (promotion 1971) n'était pas encore en poste. Près d'une année après son installation (mai 2010), il a ainsi permis aux organisateurs de “venir” à Sonatrach. Le statut de polytechnicien n'était pas l'apanage uniquement des organisateurs, des participants ou de l'hôte des lieux. Une autre personne, présente sur place, appartenait à la “secte”. Il occupe le même poste de responsabilité que Cherouati et porte également le même prénom. Il s'agit de Noureddine Bouterfa, P-DG de Sonelgaz et un des sponsors de la journée. Last but not least, l'odeur de l'ENP collait à l'invité d'honneur de la journée, en l'occurrence le ministre de l'énergie et des Mines, Youcef Yousfi. S'il est diplômé de l'école nationale supérieure des industries chimiques de Nancy (France), le membre du gouvernement a, néanmoins, été professeur à l'ENP et aussi chef du département de chimie. Tout ce beau monde a été réuni par le professeur Chems Eddine Chitour, directeur du laboratoire de valorisation des énergies fossiles. Il était omniprésent tout au long de la journée, accueillant les invités et “surveillant” ses étudiants. D'ailleurs, les conférences animées par les élèves ingénieurs de 4e année étaient encadrées par lui. Il ne faut pas oublier que ces journées de l'énergie sont sa “création”. Le sujet de cette édition : “Le futur d'un monde sans pétrole : les opportunités pour l'Algérie”, était d'une actualité brûlante. Le tremblement de terre au Japon du 11 mars dernier et ses retombées sur les centrales nucléaires ont donné un “label” de plus à l'événement. Toutes les conférences données par les étudiants et autres enseignants et responsables d'organisme public étaient dirigées dans la même direction : non au nucléaire et oui pour l'utilisation des énergies renouvelables. Un “sens” qui n'était pas celui du ministre. L'intervention de Youcef Yousfi dans la matinée était une occasion pour lui de rappeler la position qu'il avait affichée, le 28 mars dernier, devant les députés. Aux questions des présents sur le danger que représentait le nucléaire dans la production de l'électricité, le ministre répondait : “Vous vous trompez”, en insistant sur l'importance de cette option. Selon lui, le défi consistait en l'emplacement. Les besoins d'une centrale en eau imposeraient sa construction en bord de mer mais, en même temps, les côtes algériennes se trouvent sur des zones sismiques. Youcef Yousfi insistera sur les études qui devraient être faites pour trouver une solution. Les “provocations” de Cherouati Le P-DG de Sonatrach était encore plus direct sur la question du nucléaire. Son intervention à la fin de la journée n'est pas passée inaperçue. Provocateur, comme il s'est présenté lui-même, il avertit les étudiants “de ne pas croire tout ce que disent la télé et la presse” tout en leur posant la question : “Qui vous a dit que le nucléaire était terminé ?” Il reviendra sur la catastrophe de Tchernobyl, “l'émotion passée, ceux qui disaient que le nucléaire était fini ont construit après des centrales”. Et d'ajouter : “D'ici deux ou trois ans, les mêmes personnes qui critiquent maintenant vont se remettre au nucléaire.” M. Cherouati n'hésitera pas, au grand dam du professeur Chitour, à remettre en cause les statistiques de l'AIE (Agence internationale de l'énergie) en lançant : “C'est faux”, tout en donnant “son” explication : “Ce sont des calculs pour eux, pour les pays de l'OCDE.” Le P-DG argumentera en faisant référence aux théories de Claude Allègre, “un scientifique qui fait autorité”. De son côté, la position de Noureddine Bouterfa sur l'option nucléaire était loin d'être tranchante : “Je suis plus réservé.” Il dira ainsi qu'“on ne devrait peut-être pas abandonner cette piste”, tout en évitant de trop s'étaler sur le sujet. “DEsertec est un projet algérien” Le P-DG de Sonelgaz a tenu à témoigner “devant l'histoire” sur la paternité du projet Désertec. Il précise que l'idée remonte à 1993 et qu'en 2000, elle avait été évoquée devant la Commission européenne de l'énergie. Une manière de “dégermaniser” l'origine du projet pour, comme il l'a indiqué, “rendre à César ce qui est à César”. La journée s'est terminée vers 19h15, dans une ambiance bon enfant. Les questions suscitées par les différentes conférences et surtout les recommandations mériteraient beaucoup plus qu'une “oreille attentive” et encore moins de simples promesses. Une concrétisation réelle sur le terrain n'est plus de l'ordre du luxe, mais surtout de l'urgence.