Le paquet de réformes proposé par le président Bouteflika a ceci de particulier : il intervient à un moment où les vents du changement soufflent sur le monde arabe et où la rue algérienne est en pleine ébullition. Même si le chef de l'état avait laissé entendre, par le passé, qu'il entendait enclencher ces réformes politiques, notamment en ce qui concerne la révision en profondeur de la Constitution, il n'en demeure pas moins que c'est le contexte arabe actuel qui l'y a poussé. Enclencher un processus de réformes politiques sous la pression comporte, quoi que l'on dise, des risques. Or, le président Bouteflika, à travers son paquet de réformes, espère opérer un changement profond, dans la sérénité et prenant le temps qu'il faudra. L'Algérie pourra-t-elle faire l'exception dans le monde arabe ? Rien n'est sûr, d'autant plus que notre pays avait connu “sa révolution” en Octobre 88, suivie de plusieurs “révolutions” à échelle réduite, notamment en Kabylie. Prises dans leur ensemble, les réformes proposées par le président Bouteflika paraissent bonnes et devraient, en principe, approfondir le processus démocratique en Algérie et corriger les imperfections constatées sur la Constitution et les lois organiques. La configuration de la scène politique, celle du mouvement associatif, ou encore l'organisation des élections ont toujours été décriées, en raison des innombrables lacunes qui ont fait que la représentation politique et sociale des Algériens soit loin de la réalité. Des partis politiques qui n'existent que pendant les élections, des associations budgétivores qui activent sans le moindre contrôle et une loi électorale tellement biaisée qu'elle permet toutes sortes de fraudes. Si l'on ajoute les réformes promises en matière de dépénalisation du délit de presse, l'on est en droit d'espérer une avancée notable en matière de démocratie et de liberté d'expression. Le président Bouteflika, qui est apparu dans la peau d'un arbitre, semble privilégier “le changement dans la continuité” cher au FLN. Même si les réformes proposées semblent arranger les affaires de l'ex-parti unique, dans la mesure où Abdelaziz Belkhadem en avait déjà fait part, il y a lieu de relever que les autres partis de l'Alliance n'y voient pas d'inconvénients. Cependant, si la finalité des changements promis déboucherait sur la reconduction du même personnel politique, responsable de l'échec, il y a de quoi se poser des questions quant à l'utilité de ces réformes. S'agit-il, tout bonnement, de gagner du temps, face aux appels de changement du système ? S'agit-il de rassurer la communauté internationale qui fait des pressions sur les régimes arabes afin qu'ils entament de véritables changements, maintenant, et sans plus tarder ? Quoi qu'il en soit, les réformes proposées par le président Bouteflika manquent de clarté et laissent perplexes, notamment en ce qui concerne le personnel politique devant les prendre en charge. La Constitution a été maintes fois retouchée, malmenée au point où on ne sait plus s'il faudrait la prendre au sérieux. Les changements profonds promis par le président Bouteflika ne devraient pas toucher au fond de ce premier texte, dans la mesure où le patron du FLN, tout comme celui du RND ont déjà annoncé la couleur : pas question de toucher à la nature du régime, du moins actuellement. C'est le régime présidentiel qui devrait être confirmé. La création d'un poste de vice-président, maintes fois évoquée, ou encore la suppression du Conseil de la nation, sont, entre autres, les rares nouveautés avancées. Toutefois, et même si ces réformes n'ont pas encore de calendrier précis, la question qui taraude les esprits concerne la manière de mener à bien ces réformes. Lorsqu'on sait que l'actuel Parlement est décrié, qu'il a été élu avec le taux de participation le plus faible de l'histoire du pays, il y a de quoi s'interroger sur la crédibilité du processus. Même la révision de la Constitution, qui devrait se faire, selon le chef de l'état, avec la participation de la classe politique et des juristes, pose problème. Qui sont, en effet, ces partis “actifs” dont parle le Président ? Quels sont les critères de sélection de ces partis ? Les expériences passées révèlent qu'à chaque opération de ce genre, l'on assiste au “bourrage” de la scène politique par des partis “en mission temporaire”. L'on risque de voir des partis de l'opposition bouder ce débat, et l'on risque surtout de voir le peuple complètement désintéressé par le sujet. Le Parlement actuel sera appelé à adopter à la hussarde les réformes de la loi électorale et de celle sur les partis, avant les législatives de 2012. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, et au moment où le président Bouteflika promet des réformes en profondeur en matière de gestion locale des affaires des citoyens, notamment à travers la révision du code de wilaya et l'élargissement des prérogatives des élus locaux, le Parlement est en train de ficeler le code communal qui limite grandement les prérogatives de ces derniers ! Ceci dit, et en attendant de voir les réformes politiques se concrétiser, il y a lieu de se demander si, en cas de persistance de la contestation sociale et son exacerbation, le président Bouteflika ne serait pas amené à revoir sa copie.