Résumé : Aïssa avait su jouer le jeu, et détourner la situation en sa faveur. Le silence de Kaci sera pris comme un consentement par les sages de la djemaâ. Dès le lendemain, il va régler définitivement cette affaire, et tout le village saura que Ghenima sera sienne. Da Kaci est sidéré. 9eme partie Sa fille aura un choc en apprenant que son futur mari ne sera autre que cet homme de l'âge de son père, et qui avait passé sa vie entière à enterrer ses épouses l'une après l'autre. Ghenima subira-t-elle le même sort que les précédentes ? Il se surprend à le lui souhaiter. La mort seule pourra la délivrer des crocs de ce monstre. Aïssa lui lance une dernière flèche envenimée. - Tu ne pourras plus reculer Kaci. Je sais jouer, et tirer mon épingle du jeu au bon moment. C'est pour cela que je gagne toujours. Je ne sais pas perdre mon ami, jamais, tu m'entends. Je n'ai jamais perdu une partie, et je ne compte pas m'arrêter en si bon chemin. Kaci s'était levé, le cœur aussi lourd que ses jambes qui ne le portaient plus. Il s'adossa un moment au mur qui lui faisait face, puis se dirigea d'un pas pesant vers la sortie. Il sentit sa gorge se serrer, et son cœur palpiter, cette fois ci, d'indignation. Tout le voisinage sera au courant du projet de Aïssa avant la fin de la journée. Le vieil homme ne va pas rater l'occasion de crier sur tous les toits qu'il allait prendre pour femme la plus belle fille du village. Kaci avait l'impression de vivre hors du temps. Il remontait le sentier qui menait au sommet du village, et ne remarqua même pas que les gens lui jetaient des regards curieux et que quelques-uns l'avaient salué, sans qu'il entendit, ni répondit à leur salut. Il était presque arrivé chez lui, lorsqu'il se rendit compte qu'il avait enfilé son burnous de travers, et qu'il avait perdu sa chéchia. Pris dans ses préoccupations, il n'avait même pas senti le froid sur son crâne découvert, ni remarqué qu'il traînait le pan de sa gandoura et ses chaussures dans la boue. Cette même boue vaseuse qu'il voulait éviter le matin même en sortant de chez lui. Maudite journée, se dit-il, en tentant de se ressaisir, et d'afficher cet air sûr, serein et empreint d'autorité, que sa famille et son entourage lui connaissaient. Mais cette fois-ci, il savait qu'il aurait du mal à garder son assurance. La colère submergerait ses idées et son âme. Pourquoi n'avait-il pas répondu tout de suite à Aïssa, lors de la cueillette des olives ? Pourquoi ne lui avait-il pas signifié que Ghenima n'était pas faite pour un “porte-malheur” comme lui ? Elle méritait beaucoup mieux sa petite Ghenima ! Il poussa un long soupir, tout en ouvrant la porte en bois de sa maison qui encore une fois grinça sous l'effort. Il devrait penser à en huiler les gonds, se dit-il. Dans la grande cour, les femmes s'affairaient à leurs tâches ménagères. Sa femme Zouina, préparait le déjeuner, Ghenima venait de terminer la cuisson des galettes et ses deux belles-filles étaient affairées à faire leur lessive. Tout ce monde environnant et coutumier l'aurait rendu heureux. Jusqu'à ce jour, il avait veillé à ce que sa vie soit réglée comme une horloge. Il avait toujours su prendre ses affaires en charge et diriger sa famille d'une main de fer. Personne n'a jamais pu soutenir son regard, ou contredire ses propositions. Ses fils le consultaient et lui demandaient son avis, avant chaque entreprise, aussi simple fut-elle. Et les femmes lui obéissaient au doigt et à l'œil. Fallait-il que cette harmonie soit perturbée, par une proposition aussi saugrenue qu'inattendue d'un homme égoïste et sans scrupules comme Aïssa, qui faisant fi de toute logique, et même de toute pudeur, vient de briser ses projets et ses ambitions, et même sa famille ? Car il ne doute pas qu'en apprenant la nouvelle, ses enfants et sa femme ne vont pas sauter de joie. À compter de ce jour, on va le traiter autrement qu'un chef de famille responsable car il aura démontré sa faiblesse et son manque de tact devant une affaire aussi sérieuse que l'avenir de sa fille unique. (À suivre) Y. H.