La conversation téléphonique entre les chefs de la diplomatie algérienne et française au sujet de la situation en Libye n'a pas fini de susciter des remous en Algérie. La toute-puissante famille révolutionnaire vient de s'en mêler. Les multiples tentatives d'explication avancées par Mourad Medelci pour minimiser l'immixtion française n'ont pas convaincu en Algérie, notamment en raison de la “tiédeur”, voire la mollesse dont a fait montre Medelci devant un comportement peu diplomatique de la part de son homologue français. Mourad Medelci, qui parle, pourtant, au nom du président Bouteflika, aurait pu faire preuve de plus de fermeté et ne pas se laisser aller à des “explications” qui sonnent comme une intolérable ingérence aux relents colonialistes de la part de son homologue français. La famille révolutionnaire, dont le poids au sein des sphères de décision, n'est pas négligeable, vient de réagir d'une façon virulente à ce qu'elle considère comme “une ingérence de la France dans les affaires internes de l'Algérie”. L'Organisation nationale des moudjahidine déterre le projet de criminalisation du colonialisme “qui a été bloqué suite à une volonté politique”. Une façon de mettre le président Bouteflika dans une bien embarrassante situation, lui qui voulait aller doucement dans les relations algéro-françaises, histoire de ne pas heurter la sensibilité des uns et des autres. Le président Bouteflika sait que la famille révolutionnaire dispose d'un poids certain dans la prise de décision. C'est un lobby qui a de tout temps été là, dans les moments décisifs, pour faire pencher la balance. C'est, d'ailleurs, l'ONM, qui avait plébiscité la candidature d'Abdelaziz Bouteflika en 1994, avant que ce dernier ne se rétracte à la dernière minute. Et c'est la famille révolutionnaire, par le biais du ministre des Moudjahidine, qui avait mis dans tous ses états Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur. La conversation téléphonique entre Juppé et Medelci aurait pu passer inaperçue si elle n'avait pas été suivie, le lendemain, d'une conférence de presse du ministre français où ce dernier, contrairement aux us diplomatiques, s'est laissé aller dans un exercice bien français : “donner des leçons”. Venant de la part d'un “mauvais élève” — dixit le général Giap —, cela sonne faux et la pilule ne passe pas à Alger. C'est d'ailleurs pourquoi le secrétariat national de l'Organisation des moudjahidine a dénoncé le fait que “le ministre des Affaires étrangères français, Alain Juppé, s'est donné le droit de dicter des instructions aux autres”. La réaction de l'Organisation des moudjahidine intervient suite à la réponse de Juppé sur une question d'un journaliste, mardi passé, relative aux réformes promises par le président Bouteflika dans son dernier discours à la nation. Dans cette conférence, Alain Juppé a clairement déclaré : “Lorsque nous déclarons qu'il s'agit d'un bon début, cela signifie la nécessité qu'il y ait une suite.” Répondant aux ingérences françaises dans les affaires internes de l'Algérie, le secrétaire général de l'Organisation des moudjahidine, Saïd Abadou, a déclaré : “Alain Juppé s'est, de nouveau, libéré, à l'image de son prédécesseur Kouchner, des règles les plus élémentaires de l'exercice de la diplomatie concernant les relations entre les pays, pour se donner le droit de dicter ses règles aux autres. Il s'agit d'un comportement provenant d'une idéologie coloniale française.”