La présentation hier du livre Le Développement économique algérien : Des voies pour une stratégie nationale, ouvrage collectif dirigé par Taïeb Hafsi, a été l'occasion d'un débat large et contradictoire, le plus important ayant été de réconcilier les idées et non de les combattre. Casbah éditions a présenté, hier à l'hôtel Hilton d'Alger, l'ouvrage collectif Le développement économique de l'Algérie, expériences et perspectives. Le livre met l'accent sur la construction des processus qui pourraient amorcer un cycle de construction vertueux et sortir l'Algérie des atermoiements qui la paralyse. “Aujourd'hui, nous savons que ce ne sont pas les grandes idées qui font la différence, mais la manière dont elles sont mises en application”, précise Taïeb Hafsi, qui a dirigé l'ouvrage. L'un des plus grands défis du management des organisations et en particulier du management de l'Etat est de vaincre l'entropie, le désordre, que les multitudes d'intérêts dans une nation génèrent. “L'incertitude est telle que toutes les solutions se valent”, explique-t-il, soulignant que le plus important est de réconcilier les opinions et non de les combattre. Et, quand les idées ne sont pas réconciliables au niveau le plus élevé, elles ont plus de chance de l'être à un niveau inférieur. Cependant, cette décentralisation n'est supportable que si les personnes concernées se font confiance et développent les unes vis-à-vis des autres un sentiment de tolérance. Par ailleurs, les décisions décentralisées doivent être convergentes pour que toute la collectivité progresse. Pour Taïeb Hafsi, afin de réussir dans une situation complexe, il faut des objectifs généraux clairs ; il faut éviter de prendre au niveau central des décisions pour lesquelles seul le niveau local est compétent. Toutes les décisions concrètes de santé, d'éducation et même de développement local sont du ressort du niveau local. Enfin, il faut encourager le ménagement mutuel, fait de bienveillance et d'affection, qui facilite l'expérimentation. Abderrahmane Mebtoul, dans un bilan de l'évolution économique algérienne de l'indépendance à 2010, a démontré que la transition vers une économie ouverte et concurrentielle a été perturbée par de nombreux facteurs, notamment managériaux et de gouvernance. Ahmed Benbitour rappelle les péripéties du rééchelonnement de la dette dans les années difficiles du début de la décennie 1990 et souligne l'importance des élites et leur responsabilité dans le comportement de la nation. Il souligne la faiblesse d'une démarche qui ne se libère pas du poids des ressources naturelles. Boualem Aliouat, universitaire et expert en stratégie d'entreprise, Nice-Sophia Antipolis, met en particulier l'accent sur la régulation comme une forme de management particulièrement efficace, parce qu'elle permet de faire de manière indirecte ce qu'on ne peut pas réaliser de manière directe. Il estime qu'un Etat est meilleur lorsqu'il est plus modeste et moins interventionniste, laissant le marché, tout en le régulant, jouer un rôle efficace d'intégration de l'activité économique. “Les institutions n'ont de sens que si elles ont une prise sur la société”, estime Nadji Safir. Ce sont des enjeux fondamentaux de légitimité sociale. “Il faut sortir de l'hyperimportance accordée au texte de loi”, indique-t-il, regrettant qu'“en Algérie, le texte est considéré comme une fin”. Slim Othmani, patron de NCA, pose, de son côté, le problème de la légitimité du pouvoir. “Pour pouvoir porter un projet économique, il faut de la légitimité”, souligne-t-il. Le patron de Cevital pense que “si, uniquement, on libère les initiatives, on réglerait plus de 80% des problèmes de développement économique de notre pays”. Evoquant la question de l'application des lois, M. Issad Rebrab, indique qu'“il y a des textes, des lois, mais quand vous faites des demandes, toujours en fonction de la loi, il y a des décideurs qui vous bloquent”. Le patron de Cevital cite l'exemple de la loi relative à la monnaie et le crédit qui permet à l'entreprise algérienne d'investir à l'étranger. “Malheureusement, on ne vous donnera pas d'autorisation”, regrette-t-il. M. Rebrab affirme, également, que l'Algérie est le seul pays au monde où il faut demander l'autorisation d'investir pour créer des emplois et de la richesse. “Vous avez, aujourd'hui, plusieurs projets qui attendent des années pour passer au Conseil national des investissements. Parfois, on vous dit non ; ceux-là sont des projets stratégiques, alors qu'aucune loi n'en fait référence”, relève le patron de Cevital. “C'est parce que, dans ce pays, il n'y a pas un consensus sur ce qu'il faut faire”, répond Taïeb Hafsi.