Des économistes et des experts algériens, ayant contribué à l'ouvrage collectif pluridisciplinaire, Le développement de l'Algérie : expériences et perspectives, plaident pour la diversification de l'économie et le respect des institutions. Intervenant hier lors d'une table ronde sur «Les institutions, la stabilité et le progrès économique», tenue en marge de la présentation du livre à l'hôtel Hilton d'Alger, ils ont tour à tour mis le doigt là ou ça fait mal ! Professeur d'économie à l'université d'Oran, Abderahmane Mebtoul a évoqué la situation de la sphère informelle en Algérie. Imputant l'expansion du marché informel «aux dysfonctionnements de l'Etat», il accuse celui-ci de tirer profit de cette situation. Chiffres à l'appui, il a estimé que le circuit informel représente 40% la masse monétaire, 30 à 40% de la valeur ajoutée. Selon lui, l'économie algérienne est foncièrement rentière : «78% des exportations sont tirées des recettes pétrolières alors que les exportations hors hydrocarbures ne dépassent pas 2%.» Lors de son intervention, Ahmed Benbitour, économiste et ancien Premier ministre, a abordé le respect et la stabilité des institutions comme facteur «minimal» de développement. A ce titre, il a rappelé les péripéties du rééchelonnement de la dette dans les années difficiles du début de la décennie 1990. M. Benbitour a également souligné «la malédiction des ressources» dans une allusion à la forte dépendance de l'économie nationale du pétrole. Abdou Attou, spécialiste de la finance internationale basé à Londres (Angleterre), a plaidé, quant à lui, pour une nouvelle méthode de gestion, d'autant plus que «les problèmes sont profonds». Evoquant la crise économique et financière mondiale de 2008, il a affirmé que l'économie algérienne, basée «sur une gestion rentière», a été impacté en termes de baisse des recettes pétrolières. «Nous devons aller vers une économie diversifié et concurrentielle», a-t-il préconisé. Devant l'émergence de puissances économiques à l'instar de la Chine, de l'Inde et du Brésil, M. Attou a affirmé que l'Algérie doit se positionner dans l'architecture mondiale. Nadji Safir, sociologue à l'université d'Alger et consultant international, a rappelé les ratages de la politique des exportations hors hydrocarbures. «Cela fait des années qu'on nous en parle ! Mais nous n'avons rien de concret», a-t-il déploré. Signe de «décrédibilisation» de l'autorité des institutions de l'Etat, l'hygiène publique dans la plupart des villes algériennes est d'ailleurs «scandaleuse», selon lui. Tous les acteurs, sans exception, devraient être redevables, a-t-il insisté. Par ailleurs, deux autres tables rondes ont traité de «L'éducation, les connaissances et l'émancipation de la société» ainsi que de «La problématique de la compétitivité comme moteur du développement pour l'Algérie». Auparavant, Taïeb Hasfi, professeur et directeur de recherches à HEC Montréal (Canada), a présenté l'ouvrage collectif en présence de nombreux chefs d'entreprise, d'universitaires et d'anciens hauts responsables de l'Etat. Publié par les Editions Casbah, l'opus, particulièrement dédié à la mémoire de Djilali Liabes, M'hamed Boukhobza, Chadly Hamza et Mohamed Khelladi, réunit pas moins de 17 contributeurs, des experts algériens établis en Algérie, en Europe et en Amérique du Nord. «Le livre n'a pas pour vocation à résoudre les problèmes de l'Algérie. Nous voulons suggérer des démarches qui pourraient amorcer un cycle de construction. Nous voulons démarrer un processus de débat sur l'économie algérienne», a expliqué M. Hafsi. Ce dernier a plaidé pour une décentralisation de la gestion économique. «Une nation qui ne se converge pas se détruit. En Algérie, nous ne manquons pas d'idées. Mais malheureusement, le plus souvent, elles sont faites pour nier et rejeter les autres», a déploré M. Hasfi, appelant à une convergence d'opinions entre les différents acteurs de la sphère politique et économique.