Résumé : Tout compte fait, Ghenima pensa aller elle-même annoncer la nouvelle de son mariage avec Aïssa à Mohand. Comment va-t-elle s'y prendre ? Toutes les issues lui paraissent plausibles, maintenant qu'elle avait décidé que Aïssa ne l'aurait jamais. Quel qu'en soit le prix à payer. 29 eme partie Il faisait froid dehors, et elle sentit ses pieds gelés. Comment fera-t-elle donc pour quitter la maison par ce temps glacial ? Elle repense à la conversation qu'elle avait eue avec Fatiha, et opte pour la seule solution qui lui restait : quitter au plus vite la maison. Sans faire de bruit, elle s'empare d'une couverture, dans laquelle elle jette pêle-mêle quelques affaires appartenant à sa belle-sœur : une robe de rechange, un foulard, une écharpe et des chaussettes. Un morceau de galette traînait par terre, à côté de quelques figues sèches. C'étaient les restes du goûter de ses neveux. Mieux vaut ça que rien du tout. Elle noue la couverture pour en faire un balluchon, et quitte la chambre pour se diriger à pas de loup vers le portail de la sortie. Au seuil, elle se retourne, pour jeter un dernier coup d'œil à la maison où elle était née, et avait grandi. Elle avait connu des moments de bonheur et de joie, comme elle avait connu des moments de tristesse. Mais tout compte fait, cette vie simple et paisible qui était la sienne, n'était pas pour lui déplaire. Elle s'était toujours sentie à l'aise au sein de sa famille, et auprès de ses parents. Une larme effleure sa joue. Elle ne reverra plus jamais ces lieux, ne s'asseoira plus pour jouer avec ses neveux dans cette cour, ou pour faire la lessive avec ses belles-sœurs. Elle n'aidera plus sa mère à tisser des couvertures, ni à préparer les repas, et n'attendra plus le retour de ses frères pour servir le déjeuner ou le diner. Elle entrouvrit le portail qui se mit à grincer. Elle se faufila telle une chatte à travers une ouverture qui lui laisse à peine assez d'espace pour glisser son corps à l'extérieur de la maison. Vite. Le sentier s'étalait devant elle, et la nuit sans lune, rendait sa démarche lente et difficile, d'autant plus que la boue collait à ses pieds. Arrivée au bas de la pente, elle entendit une voix d'homme. Une voix qu'elle reconnue instantanément. C'était celle de son frère Mokrane. Il discutait avec Belkacem, et ce dernier riait à gorge déployée. Ghenima sentit son cœur se serrer. Mokrane et Belkacem l'aimaient beaucoup, et elle le leur rendait bien. Sa tristesse augmenta d'un cran. Elle se cache derrière un tronc d'arbre, et murmure à leur passage : “Pardonnez-moi mes chers frères, mais je n'ai pas le choix.” Elle attendit un moment. Puis ressortit de sa cachette pour reprendre son chemin. Elle se heurta à plusieurs reprises à des arbres, et marcha sur des pierres qui lui écorchèrent les pieds. La nuit d'encre facilitait sa fuite, mais rendait son périple dangereux. Elle pouvait glisser à tout moment, et tomber dans un trou profond, ou se fracturer une jambe, ou pis encore se faire dévorer par des animaux. Elle entendait les loups hurler, et des chiens aboyer au loin. Mais rien ne pouvait plus l'arrêter. Sa décision était prise. Elle tâtonne encore à travers les ronces, puis soudain aperçoit une faible lumière qui émanait de la forge. Mohand était encore à l'intérieur de la grange. D'habitude il venait à sa rencontre, mais ce n'était pas encore l'heure de leur rendez-vous. Ce soir est bien différent des autres, et elle appréhende la suite des évènements. Elle s'approche de la grange, puis donne un petit coup à la porte en fer, qui était verrouillée de l'intérieur. (À suivre) Y. H.