La représentation donnée mardi dernier au Théâtre régional de Béjaïa mettant en scène Caligula d'Albert Camus, version primitive de 1941 a duré près de trois heures et surtout subjugué un public nombreux, installant dans la salle une espèce d'angoisse métaphysique. Caligula a “débarqué” sur les planches du TRB pour s'y déployer dans toutes ses dimensions. Impressionnante, étrangement troublante, cette pièce de théâtre signée Albert Camus (publiée pour la première fois en 1944 aux éditions Gallimard). L'auteur du Mythe de Sisyphe l'avait intégrée dans ce qu'il appelait “Le cycle de l'absurde”. “Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux”, c'est cette solennelle assertion, irrévocable sentence que Stephane Olivier Bisson, metteur en scène, a choisi comme enseigne philosophique “accrochée au-dessus la pièce”. Une pléïade de talentueux acteurs, à la longue expérience patente, a su faire ressusciter une époque, un personnage tumultueusement mythique. Il s'agit de Cécile Paoli, Gauthier Baillot, Patrick D'assumçao, Maxime Mikolajczak, Jean de Coninck Pascal Castelletta, Claire Hélène Cahen et Clément Carabedian. Caligula relate l'histoire d'un “empereur romain déchiré par la mort de Drusilla, sa sœur et amante” La pièce se termine sur la réplique de Caligula, poignardé à mort : “Je suis encore vivant !”. Camus, révélant dans ses “Carnets” un projet d'épilogue pour Caligula : “Non, Caligula n'est pas mort. Il est là, et là. Il est en chacun de vous. Si le pouvoir vous était donné, si vous aviez du cœur, si vous aimiez la vie, vous le verriez se déchaîner, ce monstre ou cet ange que vous portez en vous. Notre époque meurt d'avoir cru aux valeurs et que les choses pouvaient être belles et cesser d'être absurdes. Adieu, je rentre dans l'histoire où me tiennent enfermé depuis si longtemps ceux qui craignent de trop aimer”. Autant dire, enfin, que la visite de Caligula en Algérie, une production du Théâtre l'Avant-seine de Colombes (France) sous l'égide du ministère de la Culture et de l'Office national de la culture et de l'information semble n'être rien d'autre qu'un hommage, même discret, à la mémoire de l'auteur de l'Etranger. Cette pièce a été jouée à Alger, mercredi dernier à 18h, à la salle Atlas.