La pièce, qui oscille entre la comédie musicale et le théâtre documentaire, est un montage musical qui reprend les plus belles chansons de l'exil. C'est aussi un spectacle qui reprend un pan de l'histoire de l'émigration algérienne en France. Le Théâtre régional Malek-Bouguermouh de Béjaïa a présenté à la grande salle Mustapha-Kateb du Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi, le spectacle Akin I Lebhar (au-delà de la mer), dans le cadre de la compétition du Festival national du théâtre professionnel d'Alger. Par ce spectacle qui a offert divertissement et réflexion, le TRB devient un sérieux prétendant au Grand prix, et les autres troupes ont (et très sérieusement !) du souci à se faire, tant la barre est placée très haut. Akin I Lebhar, qui oscille entre la comédie musicale et le théâtre documentaire, est un montage musical qui reprend les plus belles chansons de l'exil. C'est aussi un spectacle qui reprend un pan de l'histoire de l'émigration algérienne en France. Le point de départ est 1946. Un jeune homme laisse son épouse qui porte l'enfant qu'il ne verra jamais, et se rend en France, pour subvenir aux besoins de sa famille qui s'agrandit. Une nouvelle vie s'offre à ce jeune homme mais la vie est dure de l'autre côté de la Méditerranée, la nostalgie le consume, l'errance l'éprouve et les nouvelles du pays le dépriment littéralement, puisqu'au bout de quelque temps, il apprend par une lettre que sa femme est repartie vivre dans sa famille et que son mariage a été annulé. Il trouve refuge et retrouve un semblant de chaleur dans un bar où évoluent des personnages singuliers. Aussi, ne renonce-t-il pas à la cause de son pays qui a déclaré la guerre au colonisateur et rejoint ainsi la Fédération de France. La propriétaire du bar, qui est devenu sa deuxième maison, tombe malade, meurt et lui lègue son seul héritage : le bar. Sa vie change ; il devient propriétaire et ne retournera jamais dans sa patrie. Le lieu qu'il gère devient donc sa seule patrie, son chez-lui, jusqu'au jour où un jeune harraga débarque chez lui et fait ressurgir un passé qu'il croyait avoir enterré. Akin I Lebhar revisite les plus belles chansons de l'émigration, les plus grands chanteurs qui ont chanté l'exil, notamment Cheikh El-Hasnaoui, Slimane Azem, Allaoua Zerrouki, Idir, Dahmane El-Harrachi, Akli Yahyatène et même cheb Hasni (le titre “El-consulat”) et Réda Taliani (le titre “Ya el-babor ya mon amour”). On retrouve également les chansons la Foule et Milord d'Edith Piaf, qui permettent au public de s'installer dans la France des années 1940. Abdelaziz Yousfi alias Bazou, qui a signé la conception et la réalisation de ce spectacle, aidé par Belkacem Kaouane (comédien, réalisation et assistant) ont réussi à raconter la harga, ainsi que l'émigration par le biais la musique, et par le biais de documents d'archives. Des images (entre autres de la décennie noire, des grands maîtres de la musique) et des documents inédits (les coupures de journaux de l'époque, le Manifeste des 121 avec la liste des signataires) qui ont été projetés, ont permis au spectacle d'aller dans la précision. Un hommage scénique a également été rendu aux porteurs de valise. En outre, la scène a été compartimentée en deux niveaux horizontaux, coupée par une sorte de paravent. Le devant de la scène constituait le présent immédiat, la réalité ici et maintenant, tandis que l'arrière-scène proposait au spectateur une focalisation interne, des éléments auxquels les comédiens évoluant à l'avant-scène n'avaient pas toujours accès. La prestation des comédiens a été exceptionnelle. Ils ont allié chant et jeu, et leur jeu était précis, juste et sans chichis. Belkacem Kaouane, dans le rôle principal, a été un véritable performer, incarnant son rôle tout en affichant le plaisir qu'il ressentait. Les deux solistes (Mounia Aït Meddour et Kaci Kaci) étaient bouleversants et le chant ne les a pas empêchés de jouer la comédie. Le reste de la distribution n'a pas non plus démérité dans sa prestation lors de ce spectacle où la musique s'est substituée à la parole. Cependant, après l'excellent début de la pièce, il y a eu une certaine chute dans le rythme au milieu, puisque l'action n'avançait pas et les morceaux se succédaient, mais ceci a été vite rattrapé. Car le Théâtre régional de Béjaïa nous a offert un véritable divertissement, où le plaisir, le partage et l'échange étaient les maîtres mots.