L'OMS a établi une liste de 500 dénominations communes internationales (princeps) utiles pour la santé publique. “Tout le reste est sans effet thérapeutique. On peut compter que 80% des médicaments, ayant obtenu une AMM (autorisation de mise sur le marché) en Algérie, sont de faux-vrais médicaments”, selon le Pr Abdelkader Helali. L'affaire Mediator, qui continue à défrayer la chronique en France, plus d'une année après le retrait de la molécule mise en cause, n'a pas d'effet direct en Algérie. La raison en est que ce médicament, indiqué dans le traitement du diabète et de l'obésité et prescrit à plus de 5 millions de personnes en France avant que l'on se rende compte de ses effets néfastes sur la santé, n'a jamais été enregistré en Algérie. “C'est par la grâce de Dieu qu'il n'a pas été introduit chez nous. Il n'a pas été jugé utile de le faire car nous n'avons pas de gros problèmes de surpoids en Algérie et parce que les diabétologues ne le prescrivent pas beaucoup chez nous”, explique le Pr Abdelkader Helali, directeur général du Centre national de pharmacovigilance et matériovigilance. Une chance inouïe pour les Algériens, car le Mediator, commercialisé en France entre 1979 et 2009, a fait 500 morts avérés et peut-être davantage. “Le nombre de victimes pourrait être bien plus important. Il serait estimé en réalité dans une fourchette de 1 000 à 2 000 décès. Cette nouvelle enquête a en effet pris en compte les effets à long terme du Mediator”, a conclu un article du Figaro. Ledit médicament induirait notamment deux pathologies graves, à savoir des valvulopathies (une atteinte des valves cardiaques) et une hypertension artérielle pulmonaire. Aujourd'hui, les patients, ayant consommé ce produit, ou leurs familles, multiplient les actions en justice contre le laboratoire français ayant fabriqué ce produit, mais aussi les médecins l'ayant prescrit et surtout l'Agence française de sécurité sanitaire de produits pharmaceutiques (AFSSAPS). “Particulièrement confrontée aux critiques, l'AFSSPS doit aujourd'hui apporter des réponses à un certain nombre de questions. Celle-ci étant, en effet, chargée d'évaluer les risques présentés par les produits pharmaceutiques mis à la disposition du public, quant aux conflits d'intérêts qui pourraient exister en son sein, étant donné que sur 675 personnes siégeant dans cet organisme, 415 ont déclaré avoir des intérêts dans les industries du médicament”, a-t-on écrit, en ce mois de mai, dans la presse de l'Hexagone. “L'AFSSAPS est soupçonnée d'être inscrite directement dans un conflit d'intérêt commercial, puisqu'elle procède à l'enregistrement des médicaments, en percevant des redevances de l'industrie pharmaceutique sur l'enregistrement de chaque produit et assume en même temps, le rôle de pharmacovigilance. C'est à cause de cela qu'elle a été piégée dans l'affaire Mediator. On lui a prouvé ses effets secondaires, mais elle ne voulait pas le retirer”, explique le Pr Helali. “On a fait taire l'outil bloquant, c'est-à-dire la pharmacovigilance”, souligne cet expert auprès de l'OMS, qui désigne par là les véritables dessous du cas Mediator. “Les gains engrangés par les fabricants de Mediator sont considérables par rapport à ce qu'ils vont payer dans les procès”, précise-t-il. Suite à cette affaire, les autorités sanitaires françaises ont décidé de contrôler 77 produits déjà commercialisés pour ne plus retomber dans le syndrome Mediator. “L'affaire Mediator suscite une interrogation : jusqu'à quand les vrais/faux médicaments ?” estime notre interlocuteur, qui rappelle qu'en 2003, il avait déjà attiré l'attention sur les implications du forcing de l'industrie pharmaceutique dans la promotion d'un produit qu'elle souhaite introduire sur le marché face à la frilosité de la pharmacovigilance. À ce titre, il s'agira de renforcer le rôle de la pharmacovigilance. “Avant d'enregistrer un nouveau médicament, il est primordial de faire le rapport avantage-risque. L'indice doit être supérieur à 1 (plus d'avantages que d'inconvénients), sinon il n'est pas utile pour la santé publique”, explique le directeur général du CNPM. En Algérie, l'autorité d'enregistrement de nouvelles molécules (la direction de la pharmacie au ministère de tutelle) est indépendante de l'autorité de pharmacovigilance qui surveille leurs effets indésirables, il n'en est pas de même en France. Il n'en demeure pas moins que le CNPM n'a pas le pouvoir de bloquer un enregistrement d'une nouvelle molécule. “Nous attendons la déclaration d'un accident pour intervenir, mais nous n'avons pas le pouvoir de remettre en cause un enregistrement de médicament”, précise notre interlocuteur. Pourtant, en la matière, il y a à dire et à redire. L'OMS a établi une liste de 500 dénominations communes internationales (DCI ou princeps) utiles pour la santé publique. “Tous le reste est sans effet thérapeutique. On peut compter que 80% des médicaments, ayant obtenu une AMM en Algérie, sont de faux/vrais médicaments et ils sont nombreux sur le marché national”, relève notre interlocuteur. Il cite une étude américaine, réalisée entre 1998 et 2002, sur 415 nouvelles molécules. Sur ce nombre, 133 molécules ont été déclarées nouvelles, 282 d'anciens médicaments améliorés (faux/vrais médicaments) et uniquement 58, soit 14% digne d'intérêt. “En 2011, le taux de médicament réellement innovant a baissé. Il tourne autour de 10%. On continue à faire du neuf avec du vieux, très souvent”, commente le Pr Helali. “La nomenclature algérienne va surtout et avant tout vers le médicament, alors qu'il faut limiter l'enregistrement et contrôler de manière stricte la publicité sur les médicaments”, poursuit-il. D'autant que “le marketing se paie la part du lion dans le budget de l'industrie pharmaceutique. Uniquement 14% du financement va à la recherche”, conclut l'expert auprès de l'OMS.