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Les dérangeantes questions de l'affaire du Mediator
Le «scandale» révèle les failles dans la surveillance de la sécurité des médicaments
Publié dans La Tribune le 21 - 11 - 2010

L'«affaire Mediator» (du nom d'un célèbre médicament «coupe-faim» des laboratoires Servier) vient de prendre de nouvelles dimensions à la fois politiques et sanitaires. Tôt dans la matinée du 16 novembre, Xavier Bertrand, (tout nouveau ministre du Travail, de l'Emploi et de la Santé) faisait savoir qu'il avait en urgence demandé à Jean Marimbert, directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) de lui faire «un point de la situation» ; et ce, avant même l'annonce officielle que le Mediator (ou benfluorex) aurait, en France, causé environ 500 morts prématures entre 1976 et 2009.
Effet anxiogène garanti
Outre ces décès, plus de 3 500 personnes ayant consommé ce médicament auraient, durant la même période, dues être hospitalisées à la suite de lésions de leurs valves cardiaques. Environ 1 750 interventions de chirurgie cardiaque auraient également dues être pratiquées. Enfin, des effets indésirables bénins auraient également concerné des dizaines de milliers de personnes. Au total, le risque de complications graves liées la prise de ce médicament serait de l'ordre de 0,5 cas pour 1 000 personnes exposées. Les complications graves n'auraient été observées qu'après des traitements prescrits sur des périodes de plusieurs mois. Ces données – que certains estiment sous-estimées – ne sont qu'approximatives. Elles résultent d'un travail rétrospectif demandé il y a quelques mois par l'AFSSAPS à la Caisse nationale d'assurance maladie. L'enquête a été menée à partir de l'analyse de plus de 300 000 dossiers médicaux (ceux de 83 000 hommes et de 220 000 femmes ; moyenne d'âge de 53 ans) ayant pris du Mediator depuis 2006. Ancien ministre de la Santé (2005-2007), Xavier Bertrand est tout sauf un novice en matière de gestion des crises de sécurité sanitaire. Il avait notamment pris goût à s'investir personnellement dans la prévention des risques inhérents à la «grippe aviaire». Quelques heures plus tard, le nouveau ministre prenait solennellement la parole. «Nous adressons un message à tous ceux qui ont pris du Mediator : ils doivent prendre contact et consulter un médecin traitant, ce message s'adresse tout particulièrement à ceux qui en ont pris pendant trois mois au cours des quatre dernières années, expliquait-il. Nous allons demander à l'assurance-maladie de contacter chacun des patients concernés.» L'effet anxiogène est garanti : plusieurs centaines de milliers de personnes (voire plus d'un million) vont se sentir directement concernées. Mieux, principe de précaution oblige, Xavier Bertrand d'ajouter : «Si d'aventure, sur certains sites Internet il y en avait, ce n'est pas un médicament qu'il convient aujourd'hui d'utiliser.» Pour le gouvernement, l'affaire semble désormais être de la plus grande urgence et de la plus haute gravité : mise en place d'un «comité de suivi» piloté par la Direction générale de la santé ; mission confiée à l'Inspection générale des affaires sociales «parce que nous voulons savoir comment nous pouvons renforcer les études d'un médicament déjà sur le marché». Le Mediator conduit ainsi à soulever publiquement la question de l'amélioration de l'identification des effets secondaires graves et méconnus des médicaments présents sur le marché ; une question à laquelle aucune réponse satisfaisante n'a jamais pu être apportée.
Un nouveau «scandale sanitaire»
Pour certains, l'affaire est d'ores et déjà entendue : l'affaire du Mediator est le dernier en date des «scandales sanitaires» qui (en France plus qu'ailleurs) émergent à échéance régulière depuis plusieurs décennies. D'autres évoquent un «désastre sanitaire». Reste à comprendre les raisons d'une telle émotion. Les chiffres étaient pour l'essentiel connus des responsables sanitaires depuis plusieurs mois et avaient déjà été diffusés dans différents médias. Quant à la problématique générale dans laquelle s'inscrit l'affaire du Mediator (celles des risques inhérents à la consommation de médicaments «coupe-faim» de la famille des fenfluramines), elle est parfaitement connue des spécialistes depuis plus d'une décennie. Les dernières décisions annoncées par le ministre de la Santé font suite à l'embarras des autorités sanitaires françaises : elles doivent désormais gérer au grand jour un dossier où l'on découvre que toutes les précautions n'ont, à l'évidence, pas été prises en temps et en heure ; une gestion d'autant plus délicate que l'affaire commence à prendre une dimension judiciaire avec les premières plaintes déposées par plusieurs personnes estimant être victimes de ce médicament.
L'AFSSAPS mise en cause
C'est aussi la première fois que l'AFSSAPS commence à faire ouvertement l'objet de critiques à la fois vives et précises : on l'accuse en substance ici (à tort ou à raison) d'avoir de facto protégé, au détriment de la santé publique et des finances de la Sécurité sociale, les intérêts financiers d'un laboratoire pharmaceutique. «A-t-on voulu protéger les intérêts du laboratoire français Servier ? On peut se poser la question. [….]. J'ai le sentiment que les experts qui travaillent pour l'AFSSAPS sont trop proches de ce laboratoire», distille-t-il ainsi, dans les colonnes du Parisien/Aujourd'hui en France, le député (PS) Gérard Bapt. Ce cardiologue ajoute qu'en tant que rapporteur spécial de la mission santé de la commission des finances de l'Assemblée nationale, il a «eu accès à certaines pièces du dossier», sans être plus disert. Pour sa part, Servier fait valoir que les chiffres des décès prématurés et des complications cardiaques graves n'étaient que des «hypothèses fondées sur des extrapolations». «Dans la population générale, la fréquence des atteintes valvulaires cardiaques est de 2,5%, assure le laboratoire. La prévalence de valvulopathies augmente avec l'âge et la présence de diabète. La simple constatation d'une valvulopathie chez un diabétique ne permet donc pas d'imputer celle-ci à un traitement médicamenteux qui reste une cause très rare, toutes classes thérapeutiques confondues.» En d'autres termes, rien ne permet d'affirmer qu'il existe une relation de causalité entre la prise de Mediator et l'apparition de lésions des valves cardiaques. «C'est une extrapolation, pas une élucubration», a aussitôt réagi le directeur général de l'AFSSAPS. Initialement destiné aux personnes souffrant de certaines anomalies lipidiques sanguines, le Mediator a vu ses indications progressivement élargies et a été prescrit comme «adjuvant» aux régimes suivis par certaines personnes diabétiques souffrant de surcharge pondérale. Des demandes de nouvelles indications formulées par Servier furent par la suite refusées par l'AFSSAPS.
Que fait-on des effets indésirables ?
Lors de son retrait du marché, le Mediator était prescrit, en France, à environ 300 000 personnes ; soit environ sept millions de boîtes. Au total, on estime qu'environ cinq millions de personnes ont à un moment ou à un autre, entre 1976 et 2009, consommé du Mediator en France. Ces chiffres laissent clairement penser que les prescriptions ont très largement dépassé les indications officielles, le médicament étant fréquemment consommé (après prescription médicale) par des personnes souhaitant simplement perdre du poids. Dans ce contexte, et compte-tenu de cette consommation massive, l'une des questions les plus embarrassantes de ce dossier est celle de l'absence de prise en compte des données scientifiques croissantes signalant les effets secondaires indésirables, parfois graves, inhérents à la prise de ce médicament. A compter de l'an 2000 plusieurs publications dans des revues d'audience internationale (Circulation, Nex England Journal of Medicine, Plos One) ont mis en garde le corps médical et les autorités sanitaires. Ces alertes ne pouvaient manquer, d'autre part d'être rapprochées du fait que le Médiator était un composé médicamenteux très proche de l'Isoméride, autre «coupe-faim» des laboratoires Servier. Or, ce dernier avait été interdit – après bien des atermoiements – en 1997, après la mise en évidence de risques d'hypertension artérielle pulmonaire aux conséquences parfois gravissimes. Les Etats-Unis avaient décidé de retirer le Mediator de leur marché en 1997. Pourquoi l'AFSSAPS ne fit-elle de même qu'en novembre 2009 ? Interrogé sur ce point, Jean Marimbert a précisé qu'il n'y avait pas eu véritablement de décision de retrait en Europe avant la décision française, l'arrêt de commercialisation en Espagne et en Italie (2005) ayant fait suite à la décision du laboratoire Servier qui avait choisi de retirer le produit pour des «raisons plutôt de nature commerciale».
Le paradoxe
Sur le fond, l'affaire du Mediator met, après beaucoup d'autres (Distilbène, Vioxx, Isoméride…) en lumière un paradoxe méconnu. Celui du décalage existant entre, d'une part, les contraintes imposées aux firmes pharmaceutiques avant de pouvoir commercialiser un nouveau médicament et, de l'autre, la relative impuissance (ou indifférence ?) des autorités sanitaires nationales à organiser, ensuite, la surveillance de l'innocuité de ce même médicament. Or, il existe de nombreuses différences entre les résultats des études (menées sur quelques milliers ou dizaines de milliers de personnes) avant la mise sur le marché et la réalité complexe d'une situation où le médicament est pris, parfois sur de longues périodes, par des millions de personnes. Tant que les systèmes de pharmacovigilance ne seront pas améliorés et harmonisés à l'échelon international, il est à craindre que l'affaire du Mediator ne soit pas la dernière du genre.
J.-Y. N.
In slate.fr


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