L'agence européenne du médicament (EMEA) a annoncé, dans la journée du 25 juin, sa décision de retirer progressivement de son marché le Di-Antalvic, anti-douleur par excellence, et ce, suite à des tractations entre les Etats membres, qui datent de pas moins de 5 ans. La France, principal pays producteur et consommateur de cette association de molécule (80% du marché des antalgiques), avait jusqu'alors opposé son droit de veto, pour des raisons commerciales évidentes. En Algérie, où ce médicament est vendu en officine sans ordonnance, aucune décision n'a encore été prise. Et pour cause : tant de parties et de partenaires sont concernés par un potentiel retrait, «qu'une quelconque mesure ne peut en aucun cas être prise en un laps si réduit de temps, sans une réelle concertation préalable», estime le professeur Helali Abdelkader, directeur général du Centre national de pharmacovigilance et de matériovigilance (CNPM). D'autant plus que sur le marché algérien, en sus du Di-Antalvic importé sous ce label, près d'une douzaine de génériques du même acabit sont actuellement commercialisés, dont plusieurs produits en Algérie par des laboratoires pharmaceutiques de droit algérien. «C'est dire combien d'enjeux entrent en considération, entre autres socioéconomiques et sanitaires, qui devront être discutés lors d'une réunion par toutes les parties concernées», affirme l'éminent professeur, membre du comité d'experts au sein de l'OMS. D'ailleurs, le CNPM avait émis une alerte quant au Di-Antalvic bien avant la campagne médiatique qui a suivi la décision de l'EMEA. «En 2005, nous avions d'ores et déjà rédigé un rapport concernant les risques potentiels de ce médicament, et les précautions à prendre quant à son usage. Nous avons même dissuadé le groupe Saidal d'en produire lorsqu'il a formulé un telle demande», assure M. Helali, qui ajoute que les autorités concernées n'ont toutefois pas pris cette information en considération. Ce qui n'étonne pas outre mesure le directeur du CNPM, qui considère que le Di-antalvic n'est que «l'arbre qui cache la forêt», puisque sur les 5000 médicaments qui composent la nomenclature algérienne, nombre d'entre eux sont tout aussi dangereux, voire plus nocifs que ce dernier. «La liste des expédients commercialisés est chaque année étoffée de nouvelles préparations, importées ou de fabrication locale. Cependant, ce répertoire n'est jamais débarrassé des médicaments obsolètes ou des doubles. Pourtant, certains d'entre eux présentent de réels risques sanitaires et effets indésirables inutiles, ayant même été rayés de la nomenclature de certains pays», déplore le professeur. De même, «l'affaire» du Di-Antalvic soulève une autre problématique beaucoup plus importante, à savoir la prise en charge de la douleur en Algérie. «Lorsque la lutte contre la douleur, qu'elle soit aiguë ou chronique, n'est pas structurée et responsabilisée, qu'il n'y a aucune information ni sensibilisation de tous, médecins, pharmaciens et patients, les gens tendent à faire n'importe quoi pour se soulager, quitte à utiliser un canon afin de tuer une mouche», s'alarme M. Helali, rappelant aux citoyens, friands d'automédication et de «stop-douleur» miracles, que cette antalgique, certes très efficace, engendre surtout des dépressions respiratoires et des arrêts cardiaques.