La Jordanie veut se frayer une place parmi les destinations touristiques mondiales. Profitant des crises qui secouent l'Egypte, la Syrie, mais aussi la Tunisie, les responsables jordaniens du tourisme lorgnent une partie des touristes algériens qui passaient généralement leurs vacances en Tunisie. “Vous avez plus d'un million de touristes qui vont chaque année en Tunisie. Si on arrive à en avoir, ne serait-ce que dix pour cent d'entre eux chez nous, ce serait formidable”. Les propos sont ceux d'un dirigeant d'une agence de voyages et ancien membre de la commission d'animation touristique. Notre interlocuteur se dit même prêt à mobiliser son avion pour transporter les touristes algériens à des prix attractifs. Le prix du billet Alger-Amman est cédé à près de 50 000 DA par Air Algérie, seule compagnie à assurer un vol hebdomadaire vers la capitale jordanienne. Volonté sincère ? Ou simple bluff ? En tout cas, les opérateurs du tourisme jordanien sont unanimes à dire que leur pays a besoin d'explorer tous les gisements de tourisme, pour booster ce secteur qui subit de plein fouet les crises qui secouent l'Egypte et la Syrie. Pour le moment, la plupart des tour-opérateurs inscrivent le produit jordanien dans un package incluant soit la Syrie, soit l'Egypte, soit Israël. Généralement, les touristes envoyés par ces trois pays passent une nuit ou deux, pas plus, en Jordanie, pour y visiter les principaux sites historiques. En deux mois (octobre et novembre 2010), 148 000 touristes ont passé une seule nuit en Jordanie. Ce tourisme ne rapporte rien aux gérants des hôtels qui demandent que le produit touristique jordanien soit commercialisé comme destination à part entière. Pour cela, ils avancent leurs atouts. D'abord un produit touristique varié : médical, religieux, balnéaire et historique, ensuite, et surtout, un pays où l'on se sent en sécurité, où les femmes se promènent et s'attablent sur les terrasses de café, au-delà de minuit, sans jamais être inquiétées. Ensuite, la gentillesse et la tolérance des Jordaniens font que ce royaume mérite d'être visité. Tourisme médical : des hôpitaux à donner envie d'être malade ! S'il est un secteur dont les Jordaniens peuvent s'enorgueillir c'est bien celui de la santé. Le pays dispose des trois types d'hôpitaux : militaires, publics (pour les fonctionnaires) et privés. Ces derniers connaissent un développement considérable et font le maximum pour attirer des malades des pays étrangers. Deux arguments plaident en leur faveur : la qualité des soins et les tarifs, deux fois moindres que ceux pratiqués en Europe. Le pays est classé comme cinquième centre mondial en termes de tourisme médical. Ses hôpitaux privés sont, pour un bon nombre d'entre eux, reconnus et certifiés mondialement. Pour le moment, le tourisme médical rapporte à la Jordanie un milliard d'euros par an. Le pays dispose de 68 hôpitaux privés, dont 15 de grande envergure, en plus de six hôpitaux universitaires qui viennent s'ajouter aux quatre universités de médecine. Le pays n'envoie aucun patient à l'étranger. Même s'il est concurrencé par l'Egypte, le Liban et la Tunisie, dans le domaine du tourisme médical, il a des arguments à faire valoir, notamment la qualité et les tarifs. En plus, pour les patients arabes, les tarifs sont les mêmes que ceux pratiqués aux Jordaniens. Les hôpitaux privés proposent 32% des lits en Jordanie, 37% des admissions, 44,5% des opérations chirurgicales et 34,4% des accouchements. On parle d'un nouveau concurrent : la ville médicale de Dubaï. Mais pour les spécialistes jordaniens, cette ville ne dispose pas de cadres, “on va importer des médecins, on va faire appel à des médecins de passage”. Parmi ces hôpitaux qui font la fierté de la Jordanie, “l'hôpital spécialisé”. Créé en 1990 et complètement opérationnel en 1993, cet établissement a une capacité de 282 lits et comptabilise 350 admissions quotidiennes. Il effectue toutes sortes d'opérations, sauf celle du foie. Il forme également des médecins dans neuf spécialités. L'établissement a opéré, par le passé, une trentaine d'enfants algériens souffrant de malformations cardiaques, de même qu'il reçoit fréquemment des demandes d'explications de la part de patients algériens. L'hôpital ne connaît pas de problème de surcharge : il n'y a pas de délai d'attente pour les opérations. En plus, toutes les analyses médicales sont faites sur place. Autre motif de fierté pour l'hôpital spécialisé : de nombreux arabes viennent chercher une solution au problème de stérilité. Les interventions effectuées par l'hôpital connaissent un taux de réussite de 36%, sachant que le plus fort taux de réussite enregistré à travers le monde est de 38%. Au centre anti-cancer Hussein, baptisé au nom du défunt roi, mort de cancer, l'activité bat son plein. Cet établissement privé spécialisé compte 187 consultants, dont 85 à temps plein et 97 en formation. Il dispose de 82 pharmaciens et de 543 infirmières. D'une capacité de 180 lits, l'établissement a eu à traiter 3000 cas en 2010, dont 30% d'étrangers. Le centre affiche un taux de réussite de 60 à 65%, soit le même taux qu'en Occident. Il affiche fièrement ses performances : 1 000 enfants ont été guéris totalement du cancer (leucémie). L'établissement réalise 1 000 implantations de la moelle par an. Au regard de la forte demande, un projet d'extension est en cours d'exécution et devrait être achevé en trois ans. Si pour les patients jordaniens, le traitement pourrait se faire grâce à l'envoi d'infirmières à domicile, le patient étranger, lui, devrait rester pendant toute la période du traitement (entre trois et six mois, et parfois un an). Mais les responsables de cet établissement se plaignent des cas “désespérés” qui arrivent à l'hôpital. “S'ils étaient venus au premier stade de la maladie, on aurait pu les sauver”, nous avoue le docteur Imad M. Treish, chef de l'office des opérations. Sur place, nous rencontrons un Algérien qui en avait gros sur le cœur, pour avoir subi tous les travers du système de santé algérien. Il accompagnait sa femme atteinte de cancer. De prime abord, il était surpris de l'accueil réservé par les Jordaniens, la propreté des lieux et les services qui y sont disponibles. Une semaine après, nous le croisons dans l'avion, sur le chemin du retour. Le verdict est tombé : malheureusement sa femme ne peut pas être sauvée. Mais il aurait quand même tout tenté et vu qu'il pouvait la sauver s'il avait, dès le départ choisi de l'extirper du système de santé algérien. Pour rester en rapport avec l'Algérie, dans l'hôpital de Jordanie, un établissement privé spécialisé, c'est un robot qui se charge des opérations sur le cerveau. Il a été conçu par un Algérien vivant en France, le professeur Benabid. Ceci pour l'anecdote. L'hôpital, d'une capacité de 100 lits, prend en charge toutes les spécialités, notamment les greffes d'organes, dont le foie. 58 nationalités sont soignées dans cet établissement dont des Américains.