Résumé : Mohand est trop mal en point pour faire face à la résistance de Ghenima. Cette dernière s'entête à lui rappeler ses promesses, et en fin de compte, s'apprête à passer sa première nuit de fugue dans la grange du jeune homme afin de panser ses blessures. 54eme partie Mohand s'enveloppe dans la petite couverture, et se laisse aller un moment, tandis que Ghenima s'emparait du vieux tapis qu'elle étale non loin de l'âtre afin de se réchauffer et utilise son écharpe comme oreiller. - Tes amis, heu, je veux dire ce Lounès et les autres, vont-ils revenir très tôt demain matin ? Mohand hausse les épaules : - Je n'en sais rien. Mais comme il fait encore très frais au petit matin, je ne pense pas qu'ils vont s'emmener de bonne heure, pourquoi ? - Mais pardi, je ne veux pas qu'ils me surprennent chez toi ! Mohand hoche la tête : - Voilà que tu commences à bien raisonner. Et où compte-tu donc te cacher ? - Je ne sais pas, dans la remise peut-être. Mohand hoche encore la tête : - Et comment vas-tu faire pour sortir, pour puiser de l'eau, laver le linge, préparer les repas ? Il y a des obligations tu sais. On ne pourra pas tenir longtemps sans le strict minimum. Ghenima demeure bouche bée un moment. Il est vrai que Mohand ne pourra pas se remettre de ses blessures avant plusieurs jours. Elle pensait pouvoir s'en sortir seule, mais en vérité, cela comporte de gros risques. Sa famille va donner l'alerte et tout le village sera lancé à ses trousses. Elle se met à réfléchir, puis s'écrie : - Je vais m'occuper de tout Mohand, je n'aurais qu'à me déguiser et sortir la nuit. - Te déguiser ? - Oui, je vais me noircir le visage et les bras, et me tatouer le menton. Je mettrai mon écharpe autour de mon visage et personne ne me reconnaîtra. - Mais on va t'interroger, les villageois se connaissent entre eux et tu seras une “étrangère” avec ton accoutrement, une étrangère qu'on n'hésitera pas à suivre pour connaître son gîte, et le reste. Tu veux donc qu'on…. - Eh bien laissons les faire, l'interrompt-elle. Tu diras que je suis une vieille parente de la famille, venue pour s'occuper de toi. - Tu oublie que j'ai ma famille. Ma mère et ma belle-sœur seront encore plus curieuses que les autres et Nedjima n'hésitera pas à venir ici pour te rencontrer. Ghenima se laisse tomber sur le vieux tapis. Toutes les issues paraissent bloquées. Que deviendra-t-elle ? Où va-t-elle se cacher ? Mohand avait l'air épuisé. Il ferme un moment les yeux, et murmure dans un demi-sommeil : - Demain matin, nous étudierons ce problème. Personne ne devrait connaître ta présence chez moi. Même mes amis les plus intimes. Ghenima baisse les yeux : - Tu me chasses donc, dit-elle d'une petite voix triste. Mohand prend une longue inspiration, qui réveille ses douleurs : - Aïe ! Mais tu ne veux donc rien comprendre toi ? Je cherche le moyen le plus sûr pour te protéger, et tu prends ça du mauvais côté. - Non, je veux seulement rester auprès de toi et te soigner. - Je sais, mais laissons le destin décider donc pour nous. Demain Dieu nous aidera à voir plus clair dans cette obscure situation. Maintenant j'ai sommeil, tente de te reposer toi aussi. Ghenima ferme les yeux et essaye de s'endormir. Mais le sommeil la fuyait. Le feu s'était éteint et elle se releva pour remuer les braises fumantes et rajouter quelques bouts de bois. Le froid s'infiltrait sous la porte, et par les nombreuses ouvertures pratiquées dans le toit. Mohand manipulait le feu et il fallait bien sûr des lucarnes, et des aires d'évacuation de la chaleur et de la fumée. (À suivre) Y. H.