RéSUMé : Mokrane ne rentrera pas de la nuit. Il va se saouler et ne se montrer qu'au petit matin. Ghenima le connaissait assez pour deviner dans quel état il allait revenir. Tout cela à cause d'une décision prise par son père dans un moment d'inconscience. La jeune fille savait que la nuit ne serait pas de tout repos. 36eme partie Zineb, elle aussi, aura sa nuit blanche. Car non seulement, elle avait eu sa dose de la journée, mais elle appréhendait le retour de son mari, qui ne répond pas de ses actes quand il est totalement ivre. Il lui arrivait alors souvent de s'en prendre à elle, de la battre, de battre ses enfants et de les jeter tous dans la cour en refermant la porte de la chambre derrière lui. On l'entendait alors chanter à tue-tête ou lancer des grossièretés, jusqu'à ce que la fatigue et le sommeil aient raison de lui. Des ronflements parvinrent du fond de la pièce. Da Kaci dormait à poings fermés. Comment faisait-il pour garder sa quiétude, alors qu'il était le forgeron principal de toute la débandade qui régnait dans sa famille ? Ghenima s'allonge non loin de l'âtre. Elle repense à Mohand, et à son abnégation. Il avait tenté de la raisonner, et elle reconnaissait dans son geste une autre preuve de son amour pour elle. Cette pensée réchauffait son être, et mettait un baume sur les blessures de son âme et de son cœur. Zouina faisait les grands pas dans la soupente. Ghenima l'entendait parler et faire des commentaires à haute voix. Son manège ne cessa qu'a une heure tardive de la nuit. Ghenima ne l'entendit plus. Elle aussi a dû sombrer dans le sommeil. Demeurée seule, et livrée à son désarroi, Ghenima se posait mille et une questions. Elle savait que la bataille que vont livrer ses frères et Mohand contre Aïssa, devant la djemaâ, ne sera pas facile à gagner. Les sages poseront des questions en premier lieu aux premiers concernés. C'est-à-dire à son père et à Aïssa. Les deux hommes ont déjà tiré les ficelles à leur manière, et conclu l'affaire entre eux. Da Kaci va approuver la proposition de Aïssa, et ce dernier ne se gênera nullement, pour profiter de cette occasion, et annoncer devant tout le village, qu'il allait convoler en justes noces, avec la bénédiction de Da Kaci, qui lui avait accordé la main de sa fille. Ghenima se retourne sur sa couche. Elle tire la couverture sur son visage, et tente de traverser les ténèbres de la nuit à travers le fin tissage. Mais elle ne put rien discerner, seul le noir d'encre de la nuit accentué par l'ombre de la couverture, régnait en maître des lieux. Sa vie sera-t-elle aussi noire que cette nuit ? Elle se sentit malheureuse, et seule, face à un adversaire de taille, qui n'a aucun scrupule, et qui a déjà réussi à disloquer la famille. Elle se retourne encore sur sa couche et soupire. La chaleur que répandait l'âtre non loin d'elle, n'arrivait pas à réchauffer ses os. On dirait que le froid avait pris définitivement possession de son corps. Elle se passa une main sur le bras et sentit la chair de poule sur sa peau. L'angoisse va l'engloutir dans une spirale sans fin, si elle ne mettait pas fin à ses appréhensions. Elle se dit qu'après tout, elle n'y pouvait plus rien. Les jeux sont faits. Mais, hormis son père, le reste de la famille est avec elle. Ses frères se sont opposés, et Mohand a su la raisonner. Ah Mohand ! Où serait-elle en ce moment s'il ne l'avait pas exhortée à retourner à la maison ? Lui aurait-il permis de passer la nuit dans sa grange, ou bien l'aurait-il répudiée gentiment, en lui conseillant d'être prudente ? (À suivre) Y. H.