Résumé : La nuit porte conseil. Ghenima finit par se rendre à l'évidence. Bientôt tout le village sera lancé à ses trousses. Les conséquences de sa fugue ne seront pas des moindres. Elle n'aimerait pas entraîner Mohand dans une aventure dont la fin risque d'être des plus scabreuses. 56eme partie Où ira-t-elle ? Par où va-t-elle sortir de ce village qui l'a vu naître et grandir ? Elle tourne sur elle-même un moment, puis se dirige vers le sentier qui mène vers la grande place de la mosquée. Mais pour éviter de rencontrer les fidèles qui s'apprêtaient à faire la première prière du jour, elle contourne le sentier par un petit bois mitoyen et se retrouve en un clin d'œil dans la grande prairie à la lisière d'une forêt. Oui, c'est ça, la forêt serait un bon refuge. Où la mènera-t-elle ? Qu'y a-t-il, derrière ces grands arbres ? Elle n'en savait rien. La destinée guidera ses pas. Pendant que Ghenima s'apprêtait à quitter le village et ses gens, Zouina, elle se lacérait les joues, et poussait des cris qui auraient pu réveiller un mort. En un clin d'œil, toute la maison se réveille. Fatiha et Zineb accoururent, puis Belkacem et Kaci. Mokrane n'était pas encore rentré. Comme la veille, il devait être dans un état d'ivresse avancée, et il faudrait aller le chercher. Kaci brandit sa canne envers sa femme et s'écrie : - Qu'y a-t-il femme, pourquoi pousse-tu ces cris lugubres, quelqu'un est-il mort ? Zouina se balançait de droite à gauche, en continuant à se lacérer les joues et à crier. - Va-tu donc nous dire ce qui se passe femme de malheur ? poursuit Kaci, en la menaçant de sa canne. Zouina relève la tête et lui lance au visage : - Le malheur ? Le malheur c'est toi qui l'a attiré sur nous. Tu nous a empoisonné la vie avec ce mariage. Ghenima est partie, elle a quitté la maison. Le déshonneur est tombé à jamais sur notre famille. Zouina pleurait à chaudes larmes : - Oh ! ma pauvre petite, où peux-tu être en ce moment ? Belkacem qui avait gardé jusque-là le silence s'avance vers sa mère : - Pourquoi penses-tu que Ghenima est partie ? Peut-être qu'elle est juste derrière la maison ? Fatiha le tire par le bras : - Belkacem tu divagues ou quoi ? Crois-tu qu'elle n'aurait pas entendu les cris de sa mère si c'était le cas ? Elle aurait été la première à accourir. - Heu, peut-être est-elle allée se soulager. - Même dans ce cas-là… Zouina se redresse, et lance d'un air las : - J'ai pensé à ça moi aussi, lorsque j'ai remarqué son absence en début de soirée. Je ne me suis donc pas inquiétée. Mais au petit matin, ne la trouvant pas auprès de moi, ni nulle part ailleurs dans la maison, j'ai compris, Ghenima n'a fait que confirmer sa décision. Je sentais que quelque chose se tramait. Je l'ai déjà avertie, mais… Elle laisse retomber ses bras et se remet à pleurer : - Qu'allons-nous devenir maintenant ? Nous serons à coup sûr le point de mire de tout le village et nos ennemis n'en seraient que plus heureux. Zineb qui se tenait derrière Fatiha se hasarde : - Ghenima est trop sage pour faire une telle chose, je ne pense pas qu'elle ait fugué. Je crois plutôt qu'elle est allée se réfugier chez quelqu'un jusqu'à ce que les choses se tassent. Fatiha l'interrompt : - Tu dis n'importe quoi Zineb. Qu'est-ce qui va donc se tasser ? Le mariage est déjà officiellement reconnu. Crois-tu que Aïssa va revenir sur sa décision ? - Qu'il aille en enfer, s'écrie Zouina en pleurs. Depuis que ses yeux se sont posés sur notre fille, nous n'avons plus connu de paix dans notre maison. (À suivre) Y. H.