Wade, qui n'avait pas abandonné son projet de transmettre le fauteuil présidentiel à son fils Karim a-t-il maintenant fait une croix sur ce projet dynastique pour le moins incongru avec la propagation du printemps arabe en Afrique ? Au Sénégal, la jeunesse en a repris le principe et le mode opératoire sous le vocable d'“Y en a marre”. Jeudi soir, Wade a dû se résoudre à retirer son projet de loi visant à élire simultanément à compter de 2012 un président et un vice-président au Sénégal, un texte dénoncé par opposition et société civile mais aussi à supprimer le second tour dans l'élection présidentielle. La tension était brusquement montée mercredi à Dakar, à la veille de l'examen par l'Assemblée nationale de ces nouvelles lois. Les forces de l'ordre ont violemment réprimé les manifestations spontanées de jeunes qui protestaient contre ce projet de loi visant à légitimer une transition dynastique. La police antiémeute a dispersé à coups de grenades lacrymogènes un rassemblement sur la place de l'Indépendance, dans le centre-ville de Dakar, que les jeunes voulaient transformer en place Tahrir (épicentre du printemps égyptien). Plusieurs jeunes ont été arrêtés, battus et embarqués dans un car de police vers une destination inconnue. Voilà au moins quatre années que le vieux président Wade caresse le rêve de passer le relais à son propre fils Karim. Il aura tout tenté, vainement. D'abord, Wade a essayé de faire passer son dauphin par la voix des urnes en le présentant aux législatives dans la capitale pour en faire son chef de l'exécutif. Il a échoué puisque son fils a été rabroué par les électeurs. Par la suite, Karim s'était vu confier la préparation et l'organisation d'un sommet de l'OCI (organisme islamique). Aux yeux de son père, ce fut pour le montrer sur la scène internationale. La combine a également foiré, des scandales de concussions autour de constructions d'infrastructures réalisés pour le sommet ayant explosé. Qu'à cela tienne, Wade tient toujours à son rêve et nomme son fils ministre des équipements ! Puis silence radio jusqu'à ce projet de loi électorale. Ce nouveau texte est une manœuvre du président Wade, au pouvoir depuis 2000 et réélu en 2007 pour cinq ans, de supprimer le second tour en permettant à un candidat d'être élu s'il arrive en tête au premier tour du scrutin avec le quart des suffrages exprimés. Le texte envisage qu'en cas de vacance de la présidence, le président est remplacé par le vice-président. Ces dispositions sont parmi les plus décriées par l'opposition et la société civile, mais aussi et c'est la nouveauté à Dakar, par des membres de la majorité présidentielle qui sont contre le remplacement du père par le fils, actuellement ministre. Les échauffourées de rues ont éclaté jeudi après qu'une conférence de l'opposition et de la société civile qui était organisée à Dakar a dégénéré, quand des jeunes ont demandé aux organisateurs de cesser les paroles et les bavardages pour des actions. Plusieurs de ces jeunes étaient des membres du mouvement “Y en a marre”, un cadre “citoyen, pacifique et apolitique” créé par de jeunes rappeurs en janvier pour dénoncer “les injustices sociales, la cherté de la vie, le chômage et la gabegie” du régime du président Abdoulaye Wade, selon ses promoteurs. Au même moment, le projet de loi adopté en Conseil des ministres le 16 juin, à huit mois de l'élection présidentielle de février 2012, à laquelle Abdoulaye Wade, 85 ans, est candidat, devait mettre le feu dans l'hémicycle parlementaire sénégalais jusqu'à l'annonce de son retrait en fin de journée par le ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy qui a annoncé aux députés le retrait du projet. La France et les Etats-Unis avaient émis des réserves sur le projet de réforme. “Les Etats-Unis sont préoccupés par le fait qu'une loi constitutionnelle, qui modifierait de façon aussi fondamentale le système utilisé pour élire le président du Sénégal depuis cinquante ans, ait été proposée sans faire l'objet d'un débat approfondi, significatif et ouvert”, selon un communiqué de l'ambassade américaine à Dakar.