Le Bahreïn a condamné à la prison à perpétuité huit dirigeants politiques chiites, accusés “de complot en vue de renverser le gouvernement par la force en liaison avec une organisation terroriste à l'étranger”. La “complicité étrangère” vise les chiites iraniens, que les autorités de Manama accusent d'avoir soutenu la révolte populaire qui a débuté à la mi-février, ce que l'opposition dément. Selon Gulf News, d'autres chefs d'accusation ont été pris en compte, dont “outrage à l'armée, incitation publique à la haine et au mépris du régime, diffusion de fausses informations, rumeurs et propagande malveillante pouvant perturber l'ordre public…”, la panoplie des accusations dont les régimes dictatoriaux ont le secret. Vingt et un dirigeants d'opposition, dont sept par contumace, étaient jugés en fin de semaine dernière pour leur rôle lors des manifestations du début de l'année. Ces personnes font partie de l'opposition radicale qui a ouvertement appelé pendant la contestation de la mi-février mi-mars au départ de la vieille dynastie sunnite des Al-Khalifa et à l'instauration d'une république. Parmi les condamnés, le dissident chiite Hassan Mouchaimaa, qui dirige le parti d'opposition Hak. En exil volontaire au Royaume-Uni, Mouchaimaa était rentré au pays en février, suite à la mesure d'amnistie prise par le roi Hamad ben Isa Al-Khalifa dans l'espoir d'endiguer les tensions. À ce moment-là, neuf personnes qui avaient été placées en détention pour des accusations similaires avaient été graciées et libérées. Abduljalil Al-Singace, une autre figure de l'opposition, qui en faisait partie, après six mois derrière les barreaux, vient lui aussi d'écoper de la prison à vie. Ibrahim Charif, dirigeant sunnite du parti laïque de gauche Waad, a pour sa part pris cinq ans. Au total, quelque 400 personnes ont été traduites en justice pour leur rôle dans les manifestations pro-démocratiques et certaines ont été exécutées, a affirmé le Wefaq, premier parti chiite de Bahreïn qui s'était contenté quant à lui d'appeler à une monarchie constitutionnelle dans laquelle le chef du gouvernement serait le leader de la majorité au Parlement. Ce parti qui joue la carte de l'entrisme a accepté de prendre part au dialogue prévu pour début juillet pour relancer le processus de réformes politiques qui avait permis de rétablir le Parlement à Bahreïn en 2001. Le petit royaume du Golfe, coincé entre l'Arabie Saoudite et l'Iran, annonce également jouer l'ouverture. Un dialogue politique doit s'ouvrir dès le 1er juillet avec l'opposition. Est-ce une atmosphère de dialogue avec ces condamnations sévères ? D'après l'agence Reuters, les accusés ont pour leur part levé le poing et promis de continuer à réclamer des réformes de manière pacifique. De petites manifestations ont par ailleurs éclaté çà et là, dans de petits villages chiites notamment, mais rien de bien significatif. Les autorités ont écrasé la contestation et fait appel à des troupes d'une force commune du Conseil de coopération du Golfe (CCG) dont Bahreïn fait partie, celle du “Bouclier de la péninsule”. Des troupes saoudiennes ont été envoyées à Bahreïn. Les Emirats arabes unis y ont déployé des policiers et le Koweït une force navale. Le petit royaume, à majorité chiite, est en crise depuis les années 1990. Un mouvement de colère persistant qui menace la dynastie sunnite des Khalifa, au pouvoir depuis l'indépendance de l'île, en 1971, et qui a repris de la vigueur dans la foulée du printemps arabe. Les insurgés ont réussi à occuper la place Pearl, située dans le centre de Manama, la capitale, avant d'être violemment évacués. Les autorités de Bahreïn ont même fini par démolir la statue qui trônait au milieu de cette place, devenue le symbole des manifestations antigouvernementales. Le gouvernement a expliqué que c'était pour effacer “les mauvais souvenirs”. Officiellement, 24 personnes ont péri dans les manifestations, un chiffre qui serait bien plus élevé selon les organisations de défense des droits de l'homme.