Le recours aux subventions et aux importations sont une “erreur stratégique”, estiment les experts dont certains ont présenté l'indépendance de la justice comme le passage obligé pour une économie forte Quel est l'avenir de l'Algérie, notamment sur les plans économique, politique et socio-judiciaire ? Cette question a été, hier à Alger, au cœur des préoccupations des invités du Centre d'études stratégiques d'Echaab, à savoir la juriste Mounia Mouslim, l'économiste Bachir Mostefa et l'universitaire Salim Kalala. Lors de la conférence, tous les trois ont insisté sur l'importance, voire l'urgence, de l'adaptation de l'Algérie aux exigences du nouveau monde. Le Dr Mostefa a même fait remarquer que si le XXIe siècle est celui de “l'économie numérique”, “le XXIIe sera le siècle de la pensée économique”. Selon l'analyste et conseiller de certaines chaînes de télévision, l'Etat ne peut répondre indéfiniment aux demandes multiples par le recours aux subventions et aux importations, surtout lorsque le pays continue de traîner “une économie fragile” dépendante du pétrole et du gaz. L'économiste a d'ailleurs qualifié une telle démarche d'“erreur stratégique”, en déplorant “l'absence de vision lointaine” et celle d'un système permettant au pays une adaptation rapide aux mutations. “L'Etat doit s'éveiller et protéger l'économie nationale”, a-t-il observé, en plaidant pour “une nouvelle vision de l'économie nationale” reposant sur “une volonté politique forte”. Sinon, a ajouté le conférencier, “nous allons vers une crise” comme celle de 1987. De son côté, Mme Mouslim a défendu l'idée d'indépendance de la justice, assurant que celle-ci est “la force d'une nation”. “Si nous voulons bâtir une économie forte et si nous voulons avoir une société forte, il faut alors aller vers l'indépendance de la justice”, a affirmé la juriste, non sans préciser la nécessaire indépendance du juge vis-à-vis du ministère de tutelle et du président de la République. L'intervenante a reconnu que la situation et la carrière du juge algérien ont certes connu des “améliorations” ces dernières années, mais “cela ne suffit pas, car il n'est pas indépendant”. D'après elle, la construction d'une “Algérie démocratique et développée”, intimement liée à l'indépendance du pouvoir judiciaire, doit d'abord être portée par une volonté politique. Le dernier intervenant, en l'occurrence Salim Kalala, a touché du doigt le problème de la recherche et de la réflexion. Dans ce cadre, il a constaté l'inexistence d'études sur l'avenir du système politique algérien. Pourtant, a poursuivi M. Kalala, aujourd'hui, les spécialistes dans le monde convergent sur l'idée de changement que subira le système politique actuel. Dans son résumé relatif aux études réalisées en Occident, le professeur en sciences politiques a laissé entendre que dans 50 ou 60 ans, “la démocratie directe” s'imposera d'elle-même, par le biais de la technologie. “Les partis politiques vont disparaître s'ils ne s'adaptent pas et nous verrons l'émergence de nouvelles organisations politiques”, a-t-il confié. Toujours selon la vision occidentale, les dangers menaçant l'avenir ne seront pas de l'ordre du terrorisme, mais proviendront de “la menace psychique”, elle-même sujette aux “pressions”. D'où l'intérêt porté par les chercheurs sur, entre autres, le rôle des médias, des partis politiques et des associations. Arrivé à ce stade de la réflexion, l'universitaire a fait savoir que le “Printemps arabe” n'est rien d'autre qu'un “travail (fait) sur l'esprit”. Que faire pour affronter ces nouvelles menaces ? “Pour s'adapter aux XXIe et XXIIe siècles, il faut approfondir les études, mais la population doit aussi acquérir une culture générale”, a soutenu l'intervenant, en proposant la création d'ateliers de réflexion. Ce dernier a également plaidé pour la consolidation des institutions et formations politiques encore faibles, ainsi que pour la révision des textes sur le rôle des médias, des partis et associations.