“Nous ne demandons pas l'abrogation immédiate du service civil. Mais nous voulons qu'il y ait une discussion de fond sur le sujet”, disent les futurs spécialistes. Cent jours sont passés depuis le début de la grève ouverte des médecins résidents et toujours l'impasse. Pour célébrer ces cents jours de résistance, les futurs spécialistes ont tenté de tenir, hier, un sit-in devant la présidence de la République. Dès 10 heures, les protestataires ont commencé à rallier le point de rassemblement. Mais ils se sont vite heurtés à un impressionnant dispositif de sécurité. Les agents de police, présents sur place, effectuaient des contrôles d'identité, et dès qu'un résident était identifié, il était systématiquement embarqué. Et les interpellations ont été souvent musclées et opérées avec peu de discernement. Même des journalistes n'ont pas été épargnés, à l'exemple de celui du Soir d'Algérie qui a été arrêté dès son arrivée sur les lieux. Au total, ce sont des centaines de médecins embarqués dans des fourgons de police, puis relâchés à la gare routière du Caroubier, à Rouiba, à Boufarik, ou encore au Ruisseau. Quelque cent d'entre eux ont été emmenés aux postes de police. Cette démonstration de force n'a pas réussi à intimider les rescapés de cette véritable rafle. Ils étaient, en effet, environ 200 à réussir leur marche d'El-Mouradia à l'hôpital Mustapha-Pacha. “C'est honteux de traiter un médecin comme un voyou. Plusieurs de nos confrères sont interpellés au niveau des barrages de police à Baba Ali, à Bouira et ailleurs”, dénonce, d'une voix tremblante de colère, le Dr Omar-Mohamed Sahnoun, porte-parole du Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra). “Notre rassemblement était pacifique. Le sit-in d'aujourd'hui est venu pour réaffirmer que nos revendications ne sont pas pécuniaires. Nous ne sommes pas des tubes digestifs. Nous nous battons pour un meilleur système de santé pour nos malades. Rien ne nous arrêtera, nous continuerons jusqu'à l'aboutissement de cette revendication”, lâche le docteur. Le résident insiste sur le fait que ses confrères sont toujours ouverts au dialogue. “Nous ne demandons pas l'abrogation immédiate du service civil. Mais nous voulons qu'il y ait une discussion de fond sur le sujet”, explique-t-il. “Nous n'avons pas fait quatre mois de grève pour un statut particulier ou un régime indemnitaire. Nous refusons de revenir à la médiocrité”, ajoute le porte-parole du Camra. Le Dr Yellès, pour sa part, s'interroge sur les raisons de “l'entêtement” des pouvoirs publics à maintenir le service civil du moment que des entités, telles que le Cnes, la commission de la santé du Sénat ou le témoignage des professeurs en médecine, ont attesté de l'inefficacité du service. “Cette année, 2 000 des 2 400 diplômés en résidanat ont été affectés au Nord. Et tous les recours ont eu une réponse favorable. Cette attitude de la tutelle démontre que le service civil a été vidé de sa substance. Alors pourquoi s'obstiner à le maintenir !” s'exclame le Dr Yellès. “Pour les zones enclavées et le Sud, l'Etat envoie des médecins étrangers, des Cubains et des Chinois. Mais à quel prix ? Y a-t-il des critères de sélection ?” s'interroge-t-il. Après cet énième épisode de leur protestation, la détermination et la colère étaient visibles sur le visage des médecins résidents qui ont pu, tant bien que mal, réussir à rejoindre l'hôpital Mustapha-Pacha. Là aussi, ils n'étaient pas seuls. Un important dispositif de sécurité occupait les différents accès du CHU. La police antiémeute était présente jusqu'à l'intérieur même de l'établissement hospitalier, prête à intervenir à tout moment. Un procédé qui se veut dissuasif, mais qui n'a pas eu beaucoup d'effet sur les grévistes. Certains ont même proposé de “récidiver” et de marcher prochainement vers l'APN.