Longue de 112 jours, la contestation des futurs spécialistes était ponctuée par de nombreux sit-in et autres marches, notamment à Alger, Oran et Tlemcen. Les médecins résidents ont voté, à 55% et dans les 8 CHU du pays, en faveur d'un gel de la grève illimitée entamée le 28 mars dernier. Ce qui signifie la reprise du travail dès demain. Les résidents justifient la décision de surseoir au mouvement de protestation par deux raisons. La première est le congé des administrations durant la saison estivale, dont la conséquence immédiate est l'absence d'interlocuteurs. La deuxième raison est qu'en été, nombreux sont les médecins qui vont en vacances, ce qui se traduit par une diminution des moyens humains face à une demande en soins qui, elle, augmente. La reprise du travail n'est donc pas due à la mesure prise par le ministère de la Santé de bloquer les salaires des grévistes, selon les résidents. “Nous ne renonçons pas à nos principes. Mais ça ne sert à rien de continuer le mouvement du moment que nous n'avons aucun interlocuteur”, affirme le Dr Omar Mohamed Sahnoun, porte-parole du Collectif autonome des médecins résidents algérien (Camra). “Les résidents ont clairement exprimé leur volonté de geler la grève en ces circonstances. Geler la grève, non la contestation, encore moins le combat. C'est une pause pour évaluer nos acquis. Cela va nous donner le temps de remobiliser nos troupes, en ayant de nouveaux objectifs”, ajoute-t-il. Pour sa part, le Dr Mohamed Yellès, l'un des porte-parole du Camra, reconnaît que le mouvement “bat en retraite”. C'est que les résidents jouent la carte de l'apaisement, explique-t-il. “Nous allons attendre la rentrée sociale pour voir les prédispositions du gouvernement à rependre à nos doléances”, fait-t-il savoir. Il précise que “le gel est un signe de bonne foi de la part des résidents et prouve que nous sommes toujours ouverts au dialogue”. “Le ministre affiche une certaine arrogance concernant les sanctions qu'il estime à l'origine de l'arrêt de la grève. Nous lui disons : non, Monsieur le ministre ! c'est le vote des résidents qui a fait que la grève est gelée. Car nous n'allons pas abandonner un mouvement entamé il y a près de 4 mois. Il n'est pas question de reculer”, précise le porte-parole. “Le ministre de la Santé devrait s'occuper du déficit sanitaire dans certaines villes comme Béchar, et non passer son temps à narguer les résidents qui ne demandent qu'une meilleure prise en charge du malade algérien”, regrette le Dr Yellès. “Nous ne savons toujours rien du statut signé et les échos ne sont pas rassurants. Selon nos informations, le Premier ministre aurait validé le document. Mais les rumeurs disent qu'ils ont modifié quelques points. Nous attendons sa publication dans le Journal officiel, et là nous nous prononcerons”, fait observer le résident. La grève des résidents, longue de 112 jours, était ponctuée par de nombreux sit-in au niveau des hôpitaux, devant les ministères de la Santé, de l'Enseignement supérieur, devant l'Assemblée populaire nationale, la Présidence ; des sit-in nocturnes ; des marches à Alger, Oran et Tlemcen. Les résidents ont souvent eu affaire à la violence et la répression policière, aux intimidations de toutes sortes. Menacés par certains professeurs et même par des directeurs d'établissement qui ont procédé “illégalement” à des défalcations sur salaire voire à l'arrêt total des rémunérations, poursuites en justice pour certains, interpellés par les forces de l'ordre pour d'autres, ils ont résisté quatre mois durant. Les futurs praticiens spécialistes ont frappé à toutes les portes des facultés, syndicats, Cnes, ministères, Premier ministère, Sénat, APN et même la Présidence, mais ils se sont toujours heurtés à un mur de silence et d'indifférence. “Bien que tous reconnaissent la légitimité et la justesse de nos requêtes”, disent-ils. Les acquis sont maigres, le gouvernement refuse toute discussion sur la levée de l'obligation du service civil. Car pour lui, c'est une politique de solidarité avec les populations des villes enclavées et du Sud, et ce, malgré le fait qu'un rapport du Cnes, le syndicat des praticiens spécialistes, l'Ordre des médecins, ont tous reconnu l'échec du service civil dont la suppression est la pierre angulaire du combat des résidents. Pour autant, les résidents se disent fiers d'avoir réussi à initier une réelle discussion sur le système de santé en Algérie et d'expliquer que le désert sanitaire n'est pas causé que par l'absence de médecins.