Depuis quelques semaines, plusieurs wilayas de l'ouest du pays vivent au rythme des rassemblements, manifestations et autres occupations de bâtiments officiels et de tentatives de suicide même. Les raisons sont, une fois de plus, la distribution des logements sociaux et l'affichage des listes contestées de bénéficiaires. ne tension extrême alors que l'Algérie reçoit des rapporteurs spéciaux de l'ONU sur la question du logement. Et pour cause, la deuxième ville du pays ne dispose que de 1 333 logements sociaux à attribuer pour 80 000 demandes ! Une équation qui a tout simplement poussé le wali d'Oran à reporter, à deux reprises, la distribution de ce quota de logements. Depuis des rassemblements se sont déjà formés à maintes reprises à la place d'Armes et des routes coupées à la circulation à Sidi-Maârouf. Il est évident que les semaines à venir n'augurent rien de bon pour les autorités locales qui ne peuvent indéfiniment reculer la date fatidique de la distribution des logements et donc passer outre les instructions gouvernementales. L'insignifiance de l'offre des logements sociaux, aggravée par la corruption et les passe-droits, radicalise systématiquement la population. À côté de cela, l'OPGI voit les cas de bénéficiaires de logements sociaux ayant sous-loué ou revendu l'appartement, s'accroître dans son service contentieux. Alors quand le vieux bâti tue chaque hiver au moins 5 personnes et met à la rue des familles entières, les 1 333 logements ne font pas le poids et les Oranais dans tous les quartiers vous le disent : “Cela va mal finir.” à Aïn Témouchent, c'est l'effervescence ! D'ailleurs, à quelques kilomètres d'Oran, la violence s'est déjà exprimée dans la localité de Tamzoura, wilaya de Aïn Témouchent. Une effervescence sans précédent a été constatée tout récemment à la suite de la distribution de logements sociaux. Les citoyens ont tout simplement assiégé l'APC pour dénoncer la manière dont s'est déroulée la distribution des logements. Comme pour anticiper la réaction des citoyens, la commission de daïra de distribution des logements avait préféré remettre des convocations en catimini, au lieu d'afficher la liste des bénéficiaires des 50 logements destinés à la résorption de l'habitat précaire. Le départ en congé du P/APC, de son adjoint et du chef de daïra en même temps, et ce, au lendemain de l'affichage de la liste, a éveillé les soupçons chez les contestataires renforçant leur colère. Ainsi, le chef de daïra par intérim annoncera à une délégation de citoyens que la liste sera gelée, et ce, sous la protection des gendarmes déployés autour du siège de l'APC. Un recul des autorités locales probablement par peur d'amplification des troubles. Pourtant quelques jours après, ce fut au tour du chef-lieu de wilaya de faire face à un vent de révolte des “malchanceux”, provoqué par l'affichage de la liste des 150 bénéficiaires de logements sociaux. Alors que le siège de la daïra fut assiégé dès les premières heures par des groupuscules composés de mal-logés, d'autres ont pris la destination du siège de la wilaya mais aussi celui de la radio locale. Face à cette situation très tendue et qui pouvait dégénérer à tout moment, les forces de l'ordre, venues en renfort, n'ont pas tardé à prendre position aux abords des bâtiments officiels. Cette situation de crise et de rareté de l'offre de logements sociaux, à l'origine de la colère, pousse parfois des demandeurs à des gestes ultimes de désespoir comme ce père et son enfant qui ont tenté de se jeter du haut d'un immeuble. À Relizane, “non à la hogra des démunis !” Et comme les mêmes causes produisent les mêmes effets, une situation similaire s'est déroulée à la fin juin, dans la wilaya de Relizane où la contestation a pris une forme plus violente. Là aussi, c'est l'affichage de la liste des bénéficiaires des 200 logements qui a provoqué la colère des “recalés”. Des dizaines de mécontents sillonnèrent les artères principales de la ville, prenant d'assaut les places publiques et assiégeant les locaux de la daïra et de l'APC. Durant la journée où se sont déroulés ces évènements, toute la ville s'était retrouvée paralysée, les commerces ayant baissé rideau. Très rapidement déployées dans le centre-ville, les forces de l'ordre ont fait face aux jets de pierres des manifestants scandant “non à la hogra des démunis !”. Les émeutiers réussirent à forcer l'entrée du siège de la wilaya avant l'intervention in extremis des forces de l'ordre. 14 suspects avaient été interpellés dont 3 immédiatement placés sous mandat de dépôt pour incitation au désordre public et destruction de biens publics. Depuis la tension ne s'est pas totalement relâchée. Face aux témoignages de familles vivant dans des conditions déplorables et en attente d'un logement social depuis des années, les rumeurs sur la présence dans la liste de personnes n'ouvrant pas droit au logement social exacerbe la population. L'on nous citera le cas d'un joueur de l'ASO Chlef ayant signé son engagement pour de 1,5 milliard de centimes et faisant partie, semble-t-il, des bénéficiaires. Les autorités imputent la responsabilité aux citoyens La réaction du P/APW, M. Bendjebar, président de la commission de recours est éloquente : “Il faut que le citoyen s'implique davantage dans ces opérations ; même les citoyens qui ne sont pas prétendants aux logements doivent nous aider, car nous ne sommes pas censés connaître tout le monde, mais nous sommes censés entendre tout le monde afin d'assainir les listes de logements dans n'importe quelle daïra !”. La commission qu'il préside pour l'heure a enregistré plus de 1 786 recours. Et malheureusement, le début du mois de juillet n'a pas calmé les choses pour preuve puisqu'il y a quelques jours, c'est au tour des communes de Sidi-Lahcène et de Telagh (Sidi Bel-Abbès) de connaître des rassemblements de contestation. Si pour la première localité l'enjeu est l'attribution de 140 logements sociolocatifs, à Telagh ce sont 122 logements sociolocatifs pour 3 000 demandes qui provoquent les tensions et les tentatives de suicide par immolation. D'aucuns attendent aujourd'hui de savoir qu'elles vont être les réponses des pouvoirs publics face aux revendications de milliers de demandeurs de logements.