Avec ses 400 000 habitants, Batna est une ville hétéroclite, cependant, et avec toutes leurs diversités et même convergences, les Batnéens s'accordent à dire que leur ville marche à reculons. Aussi bien pour son organisation, son hygiène, son urbanisme, son plan de circulation, la capitale des Aurès était un exemple pour sa propreté. Force est de constater, aujourd'hui, que pour ne pas subir la dure réalité du présent et un futur incertain, ils sont nombreux à se refugier dans un passé nostalgique. Aussi bien le centre-ville, qui était, et pendant des années, épargné que les différentes cités et quartiers de la ville, la décharge sauvage fait ravage. La faute est en ballotage. C'est les éboueurs qui ne passent assez souvent ou ne ramassent pas tout, c'est les bacs à ordures qui sont trop petits, les horaires de ramassage ne sont pas adéquats… Cela donne une image apocalyptique, un cadre de vie des plus vils, qui dénote de l'absence totale d'une culture environnementale. La question mérite d'être posée : Comment on en est arrivés là ? À ce sujet, les opinions convergent. Pour M. Houara (maire de la ville de Batna de 1980 à 1984), les raisons de cette descente aux enfers sont multiples mais la mauvaise gouvernance y est pour beaucoup. “En 1984, Batna avait décroché le deuxième prix des grandes villes dans le pays en matière d'hygiène. Il y a un principe mondialement connu qui dit : qui gouverne prévoit, or ce n'est pas ce que nous constatons. Occuper un poste de responsabilité aussi important que celui de maire, c'est une lourde responsabilité. Ce n'est pas facile d'être à l'écoute des citoyens, mais aussi, et surtout, les impliquer et sensibiliser les enfants, car, souvent, ce sont les enfants qui sont chargés de jeter les sacs-poubelles. Cette approche est totalement absente de nos jours ; on a l'impression que chacun agit en solitaire ; il y a une absence totale du travail en groupe car, à mon avis, les conditions ne sont pas réunies pour qu'il y ait un travail de groupe. Aussi, les associations de quartier ne jouent plus leur rôle depuis très longtemps ; on a l'impression qu'elles font tout sauf s'occuper de l'hygiène et de la salubrité des quartiers et cités, et là aussi un immense travail de proximité reste à faire”, nous dira notre interlocuteur. Le responsable des moyens généraux à l'APC de Batna est d'un autre avis : “La situation d'insalubrité que connaît la ville n'est pas due à un manque de moyens ; les moyens nous les avons". Et d'ajouter : “Nous possédons une flotte de 10 bennes tasseuses, sans compter cinquante autres appartenant à des privés conventionnées. La ville et amplement couverte et, au besoin, nous pouvons en rajouter. Le problème est ailleurs, il n'est pas matériel, il y a de mauvaises habitudes, l'individualisme, l'inconscience des habitants des cités. Dès que le sac-poubelle quitte la maison, le citoyen croit qu'il n'en est plus responsable, pour la simple raison qu'il a quitté sa vue ; la voie publique semble n'appartenir à personne. Les éboueurs commencent leur travail à 4 heures du matin, pour le ramassage de ce qui a été déposé la nuit, or les citoyens déposent les ordures à longueur de journée. Il y a plus de 350 tonnes de déchets par jour ; ce n'est pas une mince affaire ; si le citoyen ne nous aide pas à prendre en charge ses propres détritus, nous n'y arriverons jamais”, conclut-il.