Récemment, à la maison de la culture de Batna, le wali a débattu avec la société civile et les membres de l'exécutif communal de la nécessité de passer à l'action sur le terrain. Coup sur coup, l'APC aidée par des renforts de policiers et de gendarmes est allée aux cités périphériques de Ouled Béchina et de Selsabil où des opérations de démolition de constructions illicites ont été menées. Nul ne peut prétendre que la wali ( nouveau venu) n'a pas ouvert la voie du dialogue, de la concertation et de la sensibilisation avant d'ordonner à l'APC de passer à l'action musclée dont le but évident est de donner force aux lois de la République. Il est vrai que les mille et une constructions illicites qui ont poussé ces dernières années comme des champignons, faussent et perturbent toute évolution saine de l'urbanisation à la veille du lancement du nouveau plan quinquennal. Le wali a déclaré que «tout le monde est concerné et responsable à la fois de la situation foncière et immobilière locale», qualifiée officiellement d'anarchique. Mais les citoyens de Batna savent déjà que la ville fait partie des agglomérations de non-droit, de l'anarchie, d'une corruption qui tendrait à se généraliser et à se banaliser dangereusement, d'un trafic foncier immobilier à son maximum et connu de tous. Cette même situation se caractérise, également, par l'exclusion des «opérateurs» honnêtes, de la marginalisation des cadres issus de la ville qui sont remplacés par des opportunistes de tout acabit en majorité des parias de l'exode rural. Il y a eu, auparavant, sur plusieurs années, une promotion accélérée d'une caste de médiocres, de brosseurs, de beaux parleurs, d'analphabètes et d'incompétents. Peut-être est-ce le propre de toutes les villes du pays après les évènements de la décennie noire ? Le maire, les souks de quartiers et le cinéma Dans son intervention, le P/APC actuel de Batna, Ali Mélakhsou, présente un tableau de la situation de la ville, cinquième agglomération dans le pays. Il en ressort grosso modo que Batna consomme 54 milliards de centimes en frais de personnel de la commune, que les locaux dits du Président destinés aux jeunes chômeurs ne sont pas encore attribués à leurs bénéficiaires, notamment dans les quartiers de Lombarkia (ex-Parc à fourrages) et Ryadh. Si les marchés dans la ville offrent un visage hideux, moyen-âgeux et pas sympathique du tout, celui du quartier de Kéchida est qualifié par le maire d'illicite alors que ce sont les services de la commune qui avaient été à l'origine de sa création. Curieuse méconnaissance de l'actuel maire des réalités locales. Son appel à envisager la création de vrais «souks» ou espaces dits marchés de proximité, équivaut à une prise de conscience des élus communaux. Car, il faut reconnaître que depuis l'indépendance à ce jour, aucune APC de la ville de Batna n'a été capable de maîtriser cette question des marchés dans la ville. Au sujet des salles de cinéma, le maire aura commis une bourde en déclarant que les salles de cinéma avaient été désertées par le public. Mais la vérité est toute autre : ce sont les salles de cinéma qui ont été fermées au public batnéen. La nuance est de taille, et le wali en place, même nouveau soit-il, finira par le savoir. Le cinéma a toujours sa place à Batna n'eut été l'inertie des responsables locaux et leur surprenante aversion pour tout ce qui est culturel, intellectuel ou artistique. Quand une ville comme Batna est pilotée par des responsables peu instruits et pas du tout cultivés, cela va de soi. Pour ce qui est du cimetière, le maire signale qu'il est, désormais, encerclé par des constructions d'où l'idée en gestation de projeter l'aménagement d'un nouveau cimetière sur le territoire de la nouvelle agglomération de Hamla. Khélil Benboulaïd : «Halte à l'inversion des normes.» L'architecte et président de l'Union nationale de cette corporation affirme que la ville de Batna, malgré son potentiel, est victime de la mal vie. Il a sévèrement critiqué l'obstruction exaspérante d la circulation routière dans la ville puis a démonté en pièces les retombées négatives de l'exode rural, de l'exploitation irrationnelle du foncier, la construction de la nouvelle cité administrative à l'horizontal ainsi que l'absence de parkings pour le public dans ce lieu précis. Pour ce piège de l'horizontalité de la construction, nous nous remémorons ce que l'ex-wali de Batna – M. Khélifa Abdelkader – nous avait déclaré dans les années quatre-vingt (80), à savoir qu'à l'avenir Batna sera contrainte de construire en verticale. Aujourd'hui, force est de relever que c'est le contraire qui s'est produit alors que la raréfaction des assiettes foncières est devenue cruciale. Benboulaïd a dit halte à l'inversion des normes urbanistiques. Souad Bensalah : «Nos repères s'étiolent» Souad Bensalah, architecte, attire l'attention des autorités et de la société civile (une coquille vide à Batna à de rares exceptions) qu'à Batna la réalité du terrain est toujours en avance et en contradiction par rapport aux études projectives qu'elle dépasse à sa manière. Comme quoi, les prévisions et les plans ne servent pas à modifier quoi que ce soit puisque c'est le contraire qui s'imposera en fin de parcours. Des faits accomplis inébranlables, ça se compte à Batna en nombre incalculable. Les walis passent, les populations restent dans la situation déplorable locale. Bensalah est une citoyenne Batnéenne qui souffre au fond d'elle-même de la terrible nostalgie que partagent avec elle les anciens Batnéens et Batnéennes. Elle considère que la ville de Batna n'a plus aucun repère de son histoire et de sa culture. Il y a rupture des liens avec le passé et la mémoire collective est en train de foutre le camp. De plus, la ville n'a plus de «centre cardinal» et ne dispose d'aucune véritable esplanade publique où les habitants puissent s'y rencontrer au quotidien dans la convivialité. Les jardins publics sont plutôt le fief des SDF et des délinquants ; le parc automobile ayant été multiplié par quatre et Batna n'a toujours pas de parkings souterrains.