“Papa, il est 10h. On rentre”, répète, non stop Yanis, un petit garçon de 7 ans, impatient d'entrer à la piscine Aquafortland. Il est à peine 9h30 et le parking de la piscine grouille de monde. Les voitures défilent les unes après les autres pour déposer leurs enfants. à l'intérieur, les plagistes s'activent pour les derniers préparatifs. Un dernier coup de balai, vérification des transats et ouverture des parasols. 10h : la porte s'ouvre, tout le monde se presse de rentrer et de piquer un premier plongeon. Les agents postés devant la porte filtrent les passagers. Les jeunes venus seuls n'ont pas le droit d'entrer. Un groupe de quatre jeunes tente de se faufiler avec la complicité d'une mère de famille qui les présente comme étant ses neveux. Le stratagème échoue. Les “ados” sont refoulés. Aquafortland est situé à Bordj El-Kiffan. C'est un parc de loisirs et de sports avec piscines, dont une rivière rapide de 150m de linéaire, une pataugeoire de 200m2, profonde de 40cm, pour les tout petits et un grand bassin de plus de 650m2. Ce dernier compte un jacuzzi et un espace de spectacle, un toboggan d'une hauteur de 11m. Les lieux sont dotés d'une aire de jeux pour enfants avec trampolines et tramp-élastique, deux terrains de beach-volley, de basket, deux zones de restauration et un parking d'une capacité de 600 places. Bien que les tarifs d'accès ne soient pas à la portée de tout le monde, les lieux ne désemplissent pas. Il y a toujours rush à l'entrée. Près de 1 000 personnes sont accueillies chaque jour. L'endroit privilégié des jeunes La réputation des lieux n'est plus à faire. Le club aquatique est prisé par la jeunesse dite “dorée” du pays. Elle n'est pas regardante sur les prix d'accès et de la restauration. La piscine est l'endroit idéal pour toute personne cherchant calme et paix. à l'intérieur de l'établissement, les jeunes sont libres de leurs mouvements et du choix de la tenue vestimentaire. Tous tirés à quatre épingles. Rien n'est laissé au hasard. Les filles sont habillées en tenu sexy dernière mode. Short et minijupe avec des tongs, mais le bikini reste le coup de cœur des estivantes. Pour leur part, les “mecs” eux aussi font dans le détail. Le tatouage est le meilleur moyen de se distinguer et de montrer qu'ils sont “in”. Imane et Sara, deux copines et étudiantes, habituées des lieux, reconnaissent qu'elles viennent à la piscine par “défaut”. Pour elles, “Aqua” est synonyme de calme. “Nous venons ici par défaut, car nous n'avons nulle part où aller. C'est le seul endroit où nous sommes en paix. Nous sommes sûres de ne pas être importunées par des voyous”, expliquent-elles. Les deux copines soulignent que “ce n'est pas évident pour nous de venir tous les jours à la piscine, car cela revient trop cher.” Les jeunes filles, sautant du coq à l'âne, posent le problème du rapport qualité-prix. Pour elles, payer au minimum 3 000 DA la journée et par personne, comparé aux services proposés qu'elles jugent “limite”, c'est trop. Pour Missou, une ado de 14 ans, la piscine est l'un de ses endroits préférés, car pour elle, c'est le lieu de choix pour passer une journée avec les amis. “Je ne viens pas seule ; je suis chaperonnée, mais j'aime venir à Aqua. Ici, je suis libre de m'habiller comme je veux. Je porte mon maillot deux pièces sans complexe. Personne ne te regarde ou te fait une remarque désagréable”, se réjouit-elle. La demoiselle précise que la piscine est le seul endroit où elle peut discuter et s'amuser avec ses amis. “Il y a des attractions comme en Europe. Des concours de danse, l'élection de ‘miss Aqua', des terrains de jeux et même un parcours acrobatique. On est sûr de ne pas s'ennuyer”, poursuit Missou, déclinant les avantages de Aquaforland. Une mère de famille venue avec ses enfants reconnaît, elle aussi, que les prix ne sont pas à la portée de tous. “Les prix restent excessifs, et c'est un luxe qu'on se permet de temps à autre”, avoue-t-elle. “Pour moi, le plus important est de pouvoir me reposer et de permettre aux enfants de s'amuser. Je viens ici car j'ai la tête tranquille. Moi, je me repose et les enfants jouent en toute liberté. De plus, je ne suis pas obligée de les surveiller. à vrai dire, je ne sais même pas où ils sont passés”, glisse encore la maman toute souriante. Et la sécurité ? Pour assurer la sécurité des estivants, l'établissement emploie près de 200 jeunes, des étudiants en majorité. Les jeunes plagistes sont présents partout et font des rondes incessantes autour des piscines, que ce soit celle des adultes ou celle des enfants. Et cela dure toute la journée. Un jeune est, également, installé sur la piste de spectacle avec un sifflet à la bouche pour dominer les lieux. Les effets personnels des personnes sont aussi surveillés, et devant chaque ligne de transat, il y a un jeune qui s'assure de la sécurité des affaires. Les gens peuvent laisser leurs affaires et aller nager en toute tranquillité. Les enfants requièrent une attention spéciale de la part de l'établissement : il est strictement interdit pour un enfant de nager sans gilet de sauvetage ou brassard, même dans le bassin spécial enfants. Pour les adultes qui portent leurs petits et nagent avec eux dans la grande piscine, les plagistes leur imposent de faire porter les brassards aux petits. Le seul hic est la sécurité qui entoure le toboggan. Même s'il y a un jeune qui organise le passage des personnes, le délai entre les gens qui glissent n'est pas respecté. Normalement, avant qu'une personne n'entame la glissade, il faut s'assurer que celle d'avant est bien loin. Et ce n'est pas le cas. Les personnes défilent les unes après les autres. Parfois, ce sont trois personnes qui glissent en même temps. Ce genre de comportement avait causé, l'an passé, la mort d'un enfant de 7 ans par noyade. D'où, d'ailleurs, la fermeture provisoire de l'établissement. La sécurité de l'établissement commence avant même d'entrer à la piscine. Déjà au parking, les coffres des voitures sont systématiquement fouillés et les sacs des visiteurs passés au peigne fin. Il est vrai que le parc est connu pour être le lieu favori des personnes adeptes du “m'as-tu vu” et de ceux qui viennent pour “frimer”. Mais il reste le seul endroit “d'expression libre” où les jeunes peuvent faire fi de la pression sociale et être eux-mêmes.