“Dans son atelier de Batna, Mohammed Demagh maintient le bois en éveil. Il le moule pour libérer l'élan qui sommeille sous la gangue pesante de l'écorce. Bois abattu auquel le sculpteur infuse une nouvelle vie, communique une autre dynamique pour le lancer à la conquête de nouvelles formes et de nouvelles significations”, écrivait à propos de lui, en 1980, le regretté Tahar Djaout. Malgré son âge avancé (82 ans), Mohamed Demagh continue à s'adonner à la sculpture, et surtout à redonner vie aux objets récupérés dans les forêts environnantes de Batna. Fidèle à ses habitudes, Mohamed se lève le matin de bonne heure, et se consacre aux randonnées pour rencontrer sa muse, l'inspiratrice de ses modèles : la nature. Durant ses virées, il rassemble différents morceaux de bois et autres objets que la nature offre gracieusement. Dans l'après-midi, il s'installe dans son atelier, et donne libre cours à son imagination. Le sculpteur laisse son imagination et son talent vagabonder à la conquête de nouvelles créations. L'atelier de Mohamed Demagh est dans un désordre indescriptible, avec par terre des objets d'art et autre matériaux récupérés lors de ses multiples randonnées qui sont sur le feu et qui attendent leur tour pour leurs métamorphose. En bon conteur, le sculpteur raconte l'histoire de chaque objet : comment il l'a trouvé, comment il l'a humanisé et comment il l'a rendu communicant. Il raconte comment ces cadeaux de la nature se sont mis volontairement sur son chemin pour qu'il les récupère et qu'il leur infuse une nouvelle vie. Ses œuvres n'ont pas de nom, elles ne sont pas baptisées. À ce propos, Ammi Mohamed nous expliquera : “Pour ne pas brider votre imagination, je vous invite à contempler l'œuvre, de laisser vagabonder votre imagination et de dire ce qu'elle vous suggère”. Le sculpteur Demagh aide avec chaque énigme à découvrir la beauté et le mystère de la sculpture ou de l'œuvre d'art. Par ses explications et ses histoires, il hypnotise et laisse vagabonder l'imagination. La sculpture de Mohammed Demagh est à la fois “une sculpture charnière et une sculpture-témoin”. Le corps de l'objet sculpté par Mohamed Demagh devient un champ de cris et de signes où chaque observateur peut loger ses propres visions et sa propre lecture. Ce monument de la sculpture, également moudjahid, souffre de l'indifférence. Même si par fierté, cet artiste n'en souffle pas un mot, ses propos le trahissent parfois. Lors de l'une de nos rencontres, il confie: “Un jour, en rentrant dans le cimetière de Bouzourane (au nord-est de Batna), un sachet vert emporté m'est collé à la poitrine. Je l'ai enlevé et j'ai lu : ‘Soyez le bienvenu'. Vous voyez nos morts sont plus polis que nos vivants”. Mohamed Demagh, continue à entretenir son art, sans esquisses, sans études, sans dessins préparatoires et à répéter à celui qui veut l'entendre: “Je suis un apprenti de l'art”.