L'économie algérienne est-elle à l'abri des conséquences que pourrait avoir la crise dite de la dette américaine ? Des experts jugent préférable que l'Algérie garde ses placements en devises aux Etats-Unis mais d'autres estiment que la structure actuelle de notre économie implique des risques réels. L'abaissement de la note souveraine des Etats-Unis par l'agence Standard & Poor's semble affoler les marchés. Les marchés ont dégringolé, hier, accusant le coup de la dégradation de la note de crédit des Etats-Unis, sans toutefois céder à la panique, alors que les dirigeants de la planète multipliaient les efforts pour calmer les marchés financiers, les principales places boursières ont ouvert en baisse. Quel serait l'impact d'une telle situation sur l'Algérie ? Kamal Benkoussa, économiste algérien, partenaire dans un fonds américain à la Bourse de Londres et trader en obligations d'Etat, dans un entretien publié par le journal électronique Tout Sur l'Algérie (TSA), indique que l'Algérie, de par son modèle économique (rente pétrolière et gazière, pays dépendant des importations du fait d'un tissu industriel quasi inexistant) est fortement vulnérable aux crises mondiales. Selon lui, l'Algérie pourrait subir cette crise via deux points de dépendance : du fait que les revenus générés par la vente de ses hydrocarbures sont principalement libellés en dollar américain et parce que notre pays est avant tout un grand importateur (denrées de premières nécessité, etc.) Comment l'économie algérienne sera-t-elle impactée ? Pourquoi et comment l'économie algérienne sera-t-elle impactée ? “Aux décrochages des grandes places boursières, il faut s'attendre à une réponse collégiale des grandes puissances économiques”, explique le trader. L'expert évoque qu'un “quantitative easing” (QE) qui reviendrait à faire tourner la planche à billets et à injecter de la liquidité dans les économies est à prévoir pour éviter un effondrement du système. Kamal Benkoussa pense que ce QE sera implémenté de manière globale avec l'implication de tous les pays membres du G8. “En ce qui concerne les Etats-Unis, nous en serions au troisième QE et cela reviendrait à dire qu'il faut s'attendre à une dépréciation du dollar”, estime-t-il. De son point de vue, les revenus de vente d'hydrocarbures seront nécessairement impactés par la baisse du dollar. Le prix du baril est descendu jusqu'à 82,52 dollars, son plus bas niveau depuis novembre. De plus, a-t-il, ajouté, l'injection massive de liquidités dans les économies nécessaire pour relancer la croissance aura pour principale conséquence de fortes pressions inflationnistes. “L'économie algérienne, de par son modèle (pays principalement importateur), sera donc une fois de plus impactée par, d'une part, une baisse en valeur réelle des recettes d'hydrocarbures (dollar faible) et d'autre part, une inflation importée qui dégradera le pouvoir d'achat des ménages algériens”, explique M. Benkoussa. Pour autant, Kamal Benkoussa a laissé entendre qu'il n'y a, “a priori” pas de risque “sur les 60 milliards de dollars de réserves de changes placés en bons du Trésor américain”. “Les Etats-Unis ont, certes, été ‘downgradés' par une agence de notation, mais cela ne signifie en aucun cas qu'ils feront défaut de paiement. Un placement en bons du Trésor américain reste un placement sécurisé. De plus, avec l'effondrement des marchés actions auquel nous assistons, le marché obligataire devient forcément un placement refuge (plus sécurisé)”, a-t-il estimé. Cependant, le trader suggère que “l'Algérie a mieux à faire d'investir ses réserves dans le développement de son économie en s'industrialisant et en investissant sur la formation de sa jeunesse aux métiers de demain”, relevant bien la tendance baissière du rendement des bons du Trésor américain. “Nous allons sur des rendements à 1%”, a-t-il précisé. “L'Algérie doit-elle se satisfaire de placements à rendements réels négatifs sous prétexte que ses dirigeants redoutent qu'un jour elle se retrouve de nouveau en cessation de paiement ?”, s'interroge-t-il. Selon lui, “tout est une question de volonté politique et malheureusement ceux qui gouvernent notre pays en sont totalement dépourvus”. La sécurité des placements n'est pas remise en cause Pour le professeur Abderrahmane Mebtoul, l'Algérie doit garder ses placements en devises aux Etats-Unis sous forme de bons de Trésor américain en dépit de la dégradation de la note souveraine de ce pays. La sécurité des placements, premier critère du choix de l'Algérie, n'est pas remise en cause par la perte de la note triple AAA de la dette publique américaine. “L'Algérie ne risque rien, car ses placements sont garantis par les Etats et déposés dans les banques centrales et elle a tout intérêt à les garder à terme”, a expliqué à l'APS cet économiste. Abderrahmane Mebtoul estime qu'il n'est pas de l'intérêt de l'Algérie de revendre ses placements avant leur arrivée à terme sur un marché libre qui connaît actuellement une décote importante, évoquant le risque de leur dépréciation. “D'ailleurs, les plus grands créanciers des Etats-Unis, à savoir la Chine et le Japon, n'ont pas décidé de retirer leurs placements”, affirme M. Mebtoul, conseillant “le statu quo en attendant au moins l'arrivée de ces placements à terme”. “La hausse prévisible des taux d'intérêts avec le risque d'un ralentissement des investissements porteurs à maturation lente, combinée avec la dépréciation du dollar, entraînera une poussée inflationniste aux Etats-Unis comme en Europe”, prévoit Abderrahmane Mebtoul. Pour l'Algérie qui importe 75% de ses besoins (entreprises et ménages, selon les statistiques douanières), cela signifie également la hausse de la facture des importations. M. Mebtoul estime qu'il faudrait “entamer un débat serein sur les options d'utilisation des réserves de changes pour éviter des rumeurs dévastatrices nuisibles à l'Algérie”. Liès Kerrar, président d'Humilis Finance, n'est pas inquiété aussi par l'effet de la décision du relèvement du plafond de la dette US sur les placements algériens aux Etats-Unis. “La réalité est qu'aucune valeur n'est venue s'imposer comme valeur référence remplaçant les titres du Trésor américain. Un peu plus de 60% des réserves mondiales de changes sont encore en dollar américain. L'euro arrive en deuxième position, avec un peu moins de 27%”, indique-t-il dans Maghreb Emergent.