Ni la canicule ni le soleil de plomb qui sévissaient sur la région, encore moins les pénibles sentiers escarpés menant aux différents cimetières du village d'El-Bir n'ont eu raison de cette marée humaine qui a déferlé sur la contrée dès les premières heures de la matinée. La place du village et les rues environnantes étaient bondées de voitures. Colère, indignation, consternation étaient nettement visibles sur les visages. Yeux hagards, visages livides et crispés, le regard dans le vide et visiblement éprouvés par ce qu'ils venaient d'endurer, les citoyens d'El-Bir commentaient péniblement et douloureusement ce qui s'est passé. “Que voulez que je dise. Abominable, inqualifiable. Enfin, je n'arrive pas à trouver les mots pour qualifier cet acte ignoble et lâche car il visait des gens modestes et honnêtes”, dira Slimane, cousin proche de l'otage assassiné. Un autre cousin renchérit “Dda Moh, ce brave père de famille visé pour la rançon, a passé toute sa vie en France pour pouvoir offrir une petite situation à ses enfants. Il n'était guère fortuné et on ne comprend pas pourquoi était-il visé ? Il est rentré de France pour célébrer le mariage de son fils, voilà que ces hors-la-loi ont décidé autrement en endeuillant toute notre famille. Mais, nous leur avons donné une leçon de patriotisme. Désormais, nous ne reculerons jamais devant tous ceux qui voudraient attenter à notre honneur”, dira un proche parent de la famille qui se rappelle que lors des années de braise, la vigilance était de mise au village et que tous les mouvements d'étrangers étaient contrôlés. Les victimes ont été enterrées séparément. “Il est impossible de les enterrer en même temps et d'attendre la fin de la prière. Le temps ne suffira pas et la chaleur est torride”, dit un membre du comité de village. Ce fut donc au regretté Slifi Rabah, celui qui est tombé “les armes à la main” pour tenter de sauver son jeune beau-frère d'être enterré vers 11 heures au cimetière familial. Puis, Brahim Issaoune inhumé dans un carré familial et enfin son cousin, Karim Issaoune, le malheureux otage inhumé au cimetière de Thahechat el-Vir, situé en contrebas du village. Son frère Amar Issaoune, les yeux rougis et visiblement meurtri dans sa chair, dira avec une pointe de fierté : “Pour moi, ce sont des martyrs du devoir. Ils sont morts en hommes d'honneur, pour les citoyens du village et pour la bonne cause. Cela devait arriver un jour mais comment rester sans défense devant de tels actes ? C'est devenu intolérable et à ce rythme tout le monde finira par être touché. Cet acte de résistance doit servir d'exemple pour que cela ne se reproduise plus.” Rabah, un voisin intervient : “Oui ça ne doit pas continuer comme ça. Les citoyens ont payé un lourd tribut. Quel crime ont commis ces paisibles citoyens pour mériter un tel sort ? Y en a marre”, enchaîne-t-il sous les murmures de la foule visiblement partagée par un sentiment de révolte et de fierté.