L'institution militaire se dit respectueuse de la loi électorale et renvoie le ministre de l'Intérieur devant les parlementaires. La perspective de la présidentielle d'avril 2004 remet encore sur le tapis la question du vote des corps de sécurité. Et on a l'impression, aujourd'hui, qu'il y a comme de la polémique dans l'air, à ce sujet, entre le ministre de l'Intérieur et les responsables de la haute hiérarchie militaire. C'est du moins ce qu'on est fondé de comprendre à travers les propos du responsable de la communication de l'armée, qui rappelait, jeudi dernier, dans les colonnes d'El Khabar, que “l'armée est tenue d'appliquer la loi en vigueur”. Un rappel qui sonne comme une répartie de la grande muette à Yazid Zerhouni qui a soulevé un gros lièvre, la semaine dernière, en affirmant que le toilettage de la loi électorale, notamment sur la question du vote dans les casernes, devait faire l'objet d'une discussion préalable avec les responsables du MDN. Faisant mine de prendre la chose avec détachement, le ministre de l'Intérieur ajoute, dans le même propos, qu'il ne voyait pas, personnellement, d'inconvénient au changement de la loi. Façon de suggérer subtilement, peut-être, à l'opinion, que l'armée est politiquement partie prenante dans cette affaire. Et du coup, on se demande si Yazid Zerhouni ne cherche-t-il pas quelque part à mettre, justement, l'armée en porte-à-faux avec la classe politique, laquelle, on le sait, a de tout temps fait de cette question du vote des corps de sécurité un cheval de bataille, à l'approche de chaque échéance électorale. “Si l'armée a demandé par le passé le changement de cette loi, elle restera cependant respectueuse de la loi en vigueur”, insiste encore le responsable de la communication de l'armée qui laisse ainsi comprendre que l'institution militaire n'a pas de raison de s'ingérer dans quelque chose qui relève de l'institution législative. Mais, si l'armée se dit non concernée, du moins officiellement, force est de reconnaître qu'elle s'est jusque-là accommodée de cette situation de fait qui a fait que les militaires, mais aussi les policiers, les douaniers et les membres de la garde communale, qui relèvent, faut-il le préciser, du département de Zerhouni, ont toujours accompli leur devoir électoral à l'intérieur des casernes. Mais, plutôt que cette polémique que ni les responsables du MDN ni le ministre de l'Intérieur n'ont intérêt à entretenir, ne faut-il pas, au contraire, bien pointer, tout en s'en félicitant, le fait que tout le monde se trouve aujourd'hui sur la même longueur d'onde quant à la nécessité de changer la loi électorale et donc le vote des corps de sécurité et toutes les autres dispositions à même de conférer à la prochaine consultation davantage de crédibilité. Il y a donc consensus. Tant mieux. Il est vrai que le vote des forces militaires et paramilitaires représente la bagatelle de un million de voix, selon une estimation officieuse. De quoi faire basculer une élection dans un sens comme dans un autre. Jusque-là, il faut bien le reconnaître, les suffrages exprimés dans les casernes ont toujours été mis au crédit du candidat qui a la bénédiction de l'institution militaire. Ce garde-fou, qui a permis d'éviter des séismes électoraux, comme celui de 1991, va donc sauter, dès lors que l'armée s'est engagée, par la bouche même de son premier responsable, à respecter le verdict des urnes, même si c'est un certain Djaballah qui sera consacré. Espérons seulement que le million de voix des corps constitués ira, cette fois-ci, dans l'escarcelle de ceux qui porteront l'étendard de l'option démocrate et républicaine. N. S.