Décriée, critiquée, mise sur la sellette, notre armée est courtisée aujourd'hui pour une participation active. Pourtant sa position est claire: «Neutralité de l'armée à la prochaine élection présidentielle.» Cette position a été, à maintes reprises, réaffirmée par les responsables de ce corps constitué. En effet, depuis les premières élections qu'a connues notre nation, des voix se sont élevées pour crier, haut et fort, que le vote de l'armée a toujours été orienté vers un candidat choisi et désigné par elle. Aujourd'hui, la critique sanglante essuyée par ce corps a donné à réfléchir aux responsables pour mettre fin à toute intervention du militaire, dans le choix du candidat et dans l'acte de vote au sein des casernes. Une loi sera prochainement votée par les parlementaires pour changer le processus, déjà appliqué sur le terrain. Ce revirement de la situation, fortement applaudi par le citoyen, est apprécié sur plusieurs plans par la classe politique. Beaucoup de voix, et non des moindres, ont appelé à ce que l'armée remplisse son rôle et participe d'une manière active à la prochaine échéance électorale. Cette position ambivalente n'est, jusqu'à ce jour, ni bien définie ni cernée de plus près. Car, si tout le monde s'accorde à dire que l'armée ne doit plus voter au sein des casernes, comment pourra-t-elle agir pour assurer un processus électoral des plus démocratiques? L'armée a-t-elle toute latitude pour contrôler et pour veiller sur l'acte de voter? Une question que la classe politique ne s'est pas posée et qui, jusqu'à maintenant, «traduit» tout le discours politique entendu çà et là. En effet, l'évolution dans la pratique démocratique peut être pesée avec les entendus des discours prononcés par les politiques. L'Algérie de 2004 n'est pas celle de 1999 où le terrorisme a retardé toute évolution. Une certaine culture, nouvelle de surcroît, est venue mettre en veilleuse les idées reçues et se manifeste dans des discours des plus énergiques et des plus avancés. La classe politique donne l'impression d'abandonner les réflexes anciens pour «se camoufler» dans des discours à connotation progressiste et nouvelle. Mais la question reste toujours posée. comment l'armée interviendra-t-elle dans le processus électoral? Cette question est sous-jacente à une autre. L'armée peut-elle transgresser la loi? Dans la logique et étant imprégnée d'un esprit républicain, l'armée ne peut aller au-delà de son domaine réservé. La loi votée par les parlementaires constitue une avancée des plus dynamiques dans la construction et la réalisation d'un système démocratique. On ne peut, ni aujourd'hui ni demain, se cacher derrière ce corps pour mener sa politique. Il est évident que, sans le retrait de dernière minute, en avril 1999, des six concurrents de l'actuel président de la République, le 15 avril de cette année-là aurait pu constituer l'amorce d'une nouvelle étape de l'histoire de l'élection présidentielle dans notre pays. Est-ce celle à venir en ce début de 2004 qui, constituera la véritable plate-forme pour une réelle construction démocratique? En ce temps-là, l'armée a choisi et a voté pour son candidat. Aujourd'hui les choses ont tellement changé dans le sens, bien sûr, positif, que l'incertitude plane au-dessus de la «cité Algérie». La profession de foi de l'institution militaire faite par le général Lamari mérite d'être retenue. Ce corps «ne verrait aucune objection à la désignation à la magistrature suprême de tout candidat, fût-il, l'islamiste Djaballah». Mais le danger reste grand pour l'avenir. En effet, l'inertie entêtée des démocrates est aussi aggravée par une lutte souterraine de leadership, à chaque escale importante notamment, qui amplifie les différences des uns et des autres, en faisant de la diversité une fragilité en lieu et place d'une valeur constituante. L'armée, garante d'un ordre républicain, est aujourd'hui rappelée, mais l'écho ne semble pas revenir.