La conférence des donateurs s'est conclue sur une proclamation de victoire, avec un résultat de 33 milliards de dollars d'engagements hétéroclites d'aide à l'Irak, incluant une aide américaine que le Congrès dispute encore à George W. Bush et qui n'ira pas au fonds multilatéral créé à Madrid. Interrogé lors de la conférence de presse finale sur l'incongruité de l'ajout à l'addition finale de Madrid de ces 20,3 milliards de dollars, que le Congrès refuse de débloquer sous forme de dons, le secrétaire américain au Trésor, John Snow, a assuré que “ces fonds seront disponibles rapidement (...) dès que le Congrès adoptera la loi” pertinente. Les organisateurs ont officiellement annoncé “plus de 33 milliards de dollars d'engagements et d'engagements indicatifs” de la part des 73 pays et 20 organisations internationales présents, dont certains ont en effet nettement relevé de l'effet d'annonce. Cette somme s'obtient par la compilation des 20,3 milliards de dollars américains — que Washington entend réserver au Fonds pour le développement de l'Irak, alimenté par les revenus pétroliers irakiens et qu'il administre — et du “bas de la fourchette” des autres engagements d'aide, a indiqué un responsable américain. Moins de 4 milliards de ce total sont effectivement des dons, selon une source américaine. Le haut de la fourchette, s'établissant à 18,5 milliards de dollars, prenait en compte le montant maximum des prêts annoncés conditionnellement par le Fonds monétaire international (2,5 à 4,25 milliards de dollars), d'une part, et la Banque mondiale (3 à 5 milliards de dollars), d'autre part, totalisant virtuellement 9,25 milliards de dollars. Le reste est notamment composé de l'annonce du Koweït (1 milliard déjà dépensé et 500 millions d'aide bilatérale), du Japon (5 milliards dont 3,5 en prêts), de l'Arabie saoudite (1 milliard d'aide bilatérale), de l'Union européenne et de ses membres (1,5 milliard jusqu'en 2007) et du Canada (220 millions déjà annoncés et alloués pour 2003-2008). Les “paquets” financiers rendus publics ont mêlé souvent annonces nouvelles et déjà connues, sommes données et prêtées, contributions bilatérales et incluses dans des enveloppes multilatérales ou encore aides liées ou non à des contrats pour les entreprises nationales. Le commissaire européen aux relations extérieures, Chris Patten, a admis qu'“il n'apparaît pas toujours clairement ce qui est don et ce qui est prêt. Les 33 milliards constituent la meilleure estimation que puissent faire les experts de la Banque mondiale et des Nations unies”, a-t-il dit. M. Patten a souhaité que “l'argent sorte des banques et parvienne au peuple irakien dès que possible (...) dans les prochaines semaines”. Le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, a salué “un grand succès”, après avoir assuré vendredi matin que la conférence n'avait pas pour objet de rassembler en une fois les 56 milliards de dollars de besoins de l'Irak pour 2004-2007, tels qu'estimés par la Banque mondiale, l'Onu et l'Autorité provisoire de la coalition en Irak. Nombre de participants se sont abstenus de toute annonce d'apport au fonds multinational des donateurs créé à Madrid et que doivent gérer l'Onu et la Banque mondiale. Mark Malloch Brown, administrateur du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), a évalué les besoins de l'Irak pour 2004, hors pétrole et sécurité, à 9 milliards de dollars, soulignant que le pays n'aurait “probablement pas la capacité d'absorber plus de 5 milliards en raison notamment de l'insécurité”. Tant la Banque mondiale que le FMI ont mis l'accent sur les risques que fait peser sur la reprise économique, l'état de la sécurité en Irak, où au moins trois Irakiens et trois soldats américains ont été tués vendredi. Parmi les contributions symboliques les plus significatives, l'Iran s'est dit prêt à permettre à son ancien ennemi l'Irak d'utiliser ses terminaux pour ses exportations pétrolières. RI./.AGENCE Guerre contre l'Irak D'anciens agents de la CIA accusent Bush Trois anciens agents de la CIA, la centrale américaine du renseignement, ont accusé vendredi au Congrès l'Administration Bush d'avoir influencé le renseignement afin de justifier la guerre en Irak. “Il y avait une approche de la part de l'Administration pour faire pression sur les analystes afin que ces derniers fournissent des données allant dans le sens des objectifs déjà arrêtés, ce qui est contraire à l'éthique du renseignement", a déclaré Vincent Cannistrado, ancien chef du bureau des opérations et des analyses du centre antiterroriste de la CIA. Les trois anciens fonctionnaires, qui reconnaissent avoir voté pour George W. Bush, sont intervenus lors d'une audition informelle organisée par le chef de la minorité démocrate du Sénat, Tom Daschle, à laquelle participaient plusieurs sénateurs importants dont John Rockefeller, le numéro deux de la commission sénatoriale du renseignement. Ils n'étaient déjà plus en poste pendant la période ayant précédé l'intervention militaire américaine en Irak et ont indiqué fonder leurs jugements sur la foi de discussions avec la communauté active du renseignement dans laquelle ils ont encore de nombreux liens. "La visite à plusieurs reprises du vice-président Dick Cheney et de son principal conseiller au siège de la CIA, pour s'entretenir directement avec les analystes sur la question de l'acquisition d'uranium au Niger par l'Irak, est sans précédent et a été perçue (à la CIA) comme de l'intimidation, (...) des pressions", a poursuivi M. Cannistrado. La Maison-Blanche avait ensuite repris ces éléments pour justifier l'entrée en guerre.