Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a fait part de toute sa détermination lors d'une intervention publique, vendredi à Ramallah, en réaffirmant sa volonté de présenter au Conseil de sécurité une demande de reconnaissance et d'adhésion à l'ONU d'un Etat palestinien, à l'issue de son intervention devant l'Assemblée générale ce 23 septembre. Il n'a cédé ni aux menaces de Tel-Aviv, ni aux pressions de Washington et sa décision réitérée de faire usage de son droit de veto, ni aux conseils “amicaux” venus d'Europe ou émanant du Quartette, ni même aux critiques des frères ennemis du Hamas. “Nous allons au Conseil de sécurité”, a-t-il déclaré devant la direction palestinienne à Ramallah. “C'est notre droit légitime de demander l'adhésion à part entière de l'Etat de Palestine à l'ONU”, pour “mettre fin à une injustice historique en accédant à l'indépendance comme tous les autres peuples de la Terre, dans un Etat palestinien sur les lignes du 4 juin 1967”, a-t-il insisté. Balayant d'un revers de main les arguments de Washington et de Tel-Aviv qui invitent au statu quo, il a précisé qu'après cela, les Palestiniens pourront “revenir aux négociations sur des bases claires approuvées par tous sur les questions du statut final : Jérusalem, les réfugiés, l'eau, la sécurité, les colonies (et les) prisonniers”. De plus, a-t-il ajouté, “nous n'allons pas à l'ONU pour isoler ou délégitimer Israël mais l'occupation israélienne”. Les Etats-Unis et l'Etat hébreu ont vivement réagi. Les premiers en s'opposant catégoriquement à l'option retenue par Mahmoud Abbas en réaffirmant leur volonté d'y opposer leur veto au Conseil de sécurité, le second en reprenant sa litanie selon laquelle “la paix ne s'obtiendra pas par une démarche unilatérale à l'ONU”. En Europe, le rêve de l'Union de parler d'une seule voix s'éloigne de plus en plus. Si la France, par exemple, adopte une position prudente en prenant acte de la décision palestinienne, sans plus de commentaire, l'Allemagne, l'Italie, la Pologne et la République tchèque y sont clairement opposés, tout comme le Canada en Amérique du Nord. A contrario, les Palestiniens sont d'ores et déjà assurés du soutien de la Russie. Il va de soi que la décision de l'Autorité palestinienne met les Etats-Unis et le locataire de la Maison-Blanche dans une situation inconfortable. Barack Obama n'est pas loin de considérer la détermination de Mahmoud Abbas comme un casus belli intolérable. Il sait que la démarche palestinienne est d'une légitimité à toute épreuve, d'autant plus qu'elle n'a pas dévié d'un iota du propre cadre qu'il a lui-même défini pour la solution dite à deux Etats. Mais il ne peut, non plus, lâcher son meilleur allié dans la région dans un moment qui s'annonce difficile pour lui, sans compter que l'approche des élections aux Etats-Unis lui commande de ménager les puissants lobbies pro-israéliens. Israël, en effet, ne risque rien moins qu'un isolement difficile à tenir devant l'Assemblée générale des Nations unies. Cela est d'autant plus vrai que l'épreuve intervient à un moment où l'Etat hébreu fait face à une double crise, sans précédent depuis longtemps, avec l'Egypte et la Turquie. L'Egypte est le seul pays arabe avec qui il est lié par un traité de paix, et la Turquie le seul pays musulman avec lequel il coopérait étroitement, y compris dans les domaines militaires. Or le saccage de l'ambassade d'Israël en Egypte et le départ précipité de l'ambassadeur, ajouté à une forte pression de la rue du pays du Nil et les récents propos de son Premier ministre qui a affirmé que le traité israélo-égyptien n'est pas sacré, font planer une menace réelle sur ledit traité. En dépit des critiques du frère ennemi qui gouverne Gaza, qui fragilise quelque peu l'initiative de l'Autorité palestinienne, la décision de Mahmoud Abbas est courageuse et utile, en dépit du veto américain qui l'empêchera d'atteindre l'objectif de l'adhésion à part entière d'un Etat palestinien à l'ONU. De fait, il y aura un avant et un après 23 septembre. Plus rien ne sera comme avant, et c'est surtout cela qui dérange au plus haut point les dirigeants de l'Etat hébreu et leur allié américain.