Les faiseurs d'opinion en France refusent d'évoquer le rôle de la France et de ses services de renseignements dans les négociations avec le GIA dans l'affaire des moines de Tibhirine. Canal + projettera ce soir un autre documentaire sur l'affaire des moines de Tibhirine. Son auteur, Jean-Baptiste Rivoire, connu pour être un partisan du “qui tue qui” tente, par l'entremise de “témoins” aussi douteux qu'insignifiants, d'imputer la responsabilité du rapt et de l'assassinat des moines aux services de renseignements algériens. C'est du Nietzsche revisité ! “Plus le mensonge est gros et plus il a la chance de passer.” Le documentaire n'évoque, à aucun moment, le rôle de la France et ses services de renseignements dans les négociations avec le GIA dans cette affaire. Pourtant, la France officielle a reconnu avoir reçu l'émissaire du GIA au sein de son ambassade à Alger. Mais personne, jusqu'à ce jour, n'a essayé de savoir qui se cache derrière ce mystérieux “Abdallah”, envoyé en émissaire par le GIA le 30 avril 1996 pour rencontrer l'ambassadeur de France et le lieutenant-colonel Pierre Le Doaré, alias Clément, le chef d'antenne de la DGSE à Alger. Mais qui est ce messager “Abdallah” qui, à 19 ans, est allé négocier avec la France officielle au nom du GIA ? Il aura fallu plus de trois ans aux services de sécurité algériens pour faire tous les recoupements et arriver à identifier ce mystérieux messager. Il s'agit de Tifouni Hocine, connu au maquis sous le pseudonyme de “Oussama”, il a été abattu le 6 octobre 1997 à Haouch Gaïd-Gacem, à Sidi-Moussa. Jusqu'à cette date, il n'était pas recherché par les services de sécurité. Selon les révélations de plusieurs repentis, ce terroriste originaire de Cherarba (Alger) était voisin de Fouad Boulemia, l'assassin présumé de Abdelkader Hachani. Le “messager” activait dans la cellule de liaisons et de contacts que dirigeait, à l'époque, un certain “Aboubakr”, originaire de Baraki, mais évoluait constamment au sein du groupe de la phalange Echouhada qui comprenait, entre autres, Hocine “Flicha”, Yacine “Napoli” Walid de Oued Smar, H'mida “l'actif” et Brafta Aïssa (tous abattus par les forces de sécurité, sauf Walid de Oued Smar). Deux autres terroristes ayant évolué dans cette cellule restent en prison. Il s'agit de Noureddine Boudiaf, alias Abou Othmane, ancien “émir” au sein du GIA, et Fouad Boulemia, alias Abdelfattah. Les services de sécurité ont réussi à remonter la piste de cet émissaire grâce à une cassette récupérée chez des terroristes du GIA. à son retour de l'ambassade de France, le “messager” a fait part à Djamel Zitouni, alors “émir” du GIA, du contenu de ses pourparlers avec les officiels français. C'est dans cet enregistrement que “le messager” a décliné son identité, comme étant le nommé Tifouni Hocine. Les investigations des services de sécurité dans les communes des Eucalyptus et de Cherarba n'ont pas permis d'aboutir à déterminer l'existence réelle de ce nom. Lors de sa neutralisation, le terroriste “Oussama” a été formellement reconnu par le repenti C. Laïd, un autre membre de sa phalange. Pour revenir à ce qui s'est dit entre “le messager” et les officiels français à l'ambassade de France, la cassette qui raconte le déroulement de ces pourparlers, et qui a été utilisée par Djamel Zitouni pour crédibiliser les négociations avec les Français et dont une partie du contenu a été utilisée lors de la diffusion n°74 du GIA. Dans cet enregistrement, “le messager” raconte comment il est entré à l'ambassade de France, en affirmant qu'il a dû faire la chaîne, avant d'arriver devant les gendarmes français à qui il a déclaré qu'il était l'émissaire du GIA et qu'il désirait rencontrer l'ambassadeur. Il affirme avoir rencontré “l'ennemi de Dieu, un certain Clément (le lieutenant-colonel Pierre Le Doaré), un homme de politique”. Le messager affirme avoir remis son passeport à un gendarme à l'entrée. Le messager raconte, minute par minute, ses pourparlers à l'ambassade de France. “Clément est entré. Il m'a dit bonjour. J'ai répondu salam alaïkoum. Il (le conseiller de l'ambassadeur) me l'a présenté comme étant Clément, un homme de notre diplomatie. Je lui ai dit que je suis un émissaire. On a commencé à discuter. Je lui ai dit j'ai une cassette et une lettre.” La cassette contenait les déclarations des sept moines, la preuve qu'ils sont détenus par le GIA et qu'ils sont en vie. “Lorsqu'il écoute le passage des moines, il a perdu la voix. Je jure par Dieu qu'il s'est totalement effondré. Il a su que c'est sérieux. Je les ai observés. Ils se regardaient.” Il affirme que ses interlocuteurs lui ont demandé ce qu'est le GIA, il leur rappellera les “quatre de l'avion” allusion aux pirates de l'airbus d'Air France, abattus à l'aéroport de Marseille Marignane par le GIGN. Le “messager” affirme avoir dicté le contenu de la lettre au conseiller. à la fin, le “messager” demandait une réponse de la part de ses interlocuteurs. Ces derniers, voulant certainement gagner du temps, lui ont posé un tas de questions sur les objectifs immédiats et à long terme du GIA. Ils lui ont même demandé son âge. Ce dernier affirmera qu'il avait 23 ans (alors qu'il n'en avait que 19). Ses interlocuteurs lui feront remarquer qu'il était jeune. Le document devait être envoyé par fax en France. “Je lui ai dit, tu l'as envoyé à votre Chirac ? Il a répondu oui, nous l'avons envoyé. J'ai dit, que vous a dit Chirac ? Il m'a dit maintenant il (le document) arrive chez le ministre et ce n'est que par la suite qu'il arrivera chez Chirac. Je lui ai dit vous avez entendu que vous avez 24 heures.” Le terroriste GIA continue son récit sur sa rencontre avec les diplomates français : “puis le conseiller, ennemi de Dieu, est entré en me ramenant la réponse. Il avait deux lettres, la première écrite en blanc, une feuille à l'intérieur de l'enveloppe. La deuxième il m'a dit que c'était pour ma sécurité. Puis il m'a donné deux numéros de téléphone, l'un de la France et l'autre de l'ambassade. Je lui ai demandé comment faire si je voulais les contacter. Il m'a dit d'appeler et de demander Clément : dis lui que c'est Abdallah. Il comprendra et te rencontrera. Il a ajouté : là où vous voulez, nous sommes prêts à vous rencontrer (…) j'ai expliqué Al Amane (la confiance) lui disant : n'ayez peur de rien, nous vous protégeront comme vous m'avez protégé, celui qui viendra on ne le tuera pas.” Par la suite, il raconte comment il est sorti de l'ambassade, dans une 405, accompagné du conseiller et de Clément, et escorté par une R25 appartenant à l'ambassade. Il raconte l'itinéraire emprunté, jusqu'à sa descente, dans le quartier de Brossette, à Hussein-Dey, où il s'est fondu dans la foule. La cassette, transmise par le GIA à l'ambassade de France, a été enregistrée le 20 avril 1996 vers 23 heures où les sept moines s'identifient et lisent, à la fin les revendications du GIA, à savoir la libération d'un certain nombre de terroristes emprisonnés, même si dans l'enregistrement il n'est pas réclamé la libération d'Abdelhak Layada, l'ancien “émir” de l'organisation terroriste, comme réclamé dans le communiqué n° 43 du GIA. Ce sont là quelques vérités, qu'une partie des faiseurs d'opinion en France ne veulent pas évoquer. Pourquoi ? à eux de répondre.