Recep Tayyip Erdogan, avec qui la Turquie a pris une nouvelle stature de puissance régionale, n'a pas ménagé ses critiques vis-à-vis de la Syrie. C'est le décompte pour Bachar Al-Assad. La Turquie a rompu son dialogue avec la Syrie et envisage des sanctions contre le pays voisin dont le régime réprime depuis six mois un vaste mouvement populaire de contestation. L'annonce a été faite par le Premier ministre turc aux Etats-Unis, à l'issue d'un entretien avec le président américain. Elle n'est pas fortuite : l'Assemblée générale de l'ONU devait examiner le dossier de la Libye post-Kadhafi. Le CNT, reconnu par la majorité de membres de l'ONU, doit officiellement occuper le siège de la Libye. L'Union africaine qui a traîné les pieds vient de reconnaître à son tour la rébellion après avoir tenté de sauver un tant soit peu le dictateur de Tripoli. Le lâchage de Bachar Al-Assad par son voisin a ouvert la voie de son éviction. Les puissances occidentales ont dorénavant plus de marges de manœuvre même si au Conseil de sécurité la Russie continuera à défendre le maître de Damas. Recep Tayyip Erdogan, qui a effectué la semaine dernière une tournée dans les pays qui ont réussi la première étape du printemps arabe (Egypte, Tunisie et Libye), pour garantir à son pays des places de choix ans les nouvelles relations que vont établir ces régimes post-dictature, et marquer également le rôle de leader qu'entend jouer la Turquie sur la scène arabo-musulmane, a annoncé qu'il envisageait d'imposer des sanctions contre son voisin. Il a par ailleurs engagé des discussions à cet effet avec Washington qui a déjà annoncé de telles mesures. “Nous allons voir en coordination avec les Etats-Unis ce que pourront être nos sanctions”, a dit Recep Tayyip Erdogan avant de rencontrer Obama. Ce qui est retenu, c'est sa déclaration sans ambiguïté selon laquelle “la Turquie ne faisait plus confiance à l'administration syrienne” qu'il a accusée de mener une campagne de dénigrement à l'encontre de la Turquie. Rien ne va plus entre les deux voisins depuis que la Turquie s'est transformée en terre d'accueil pour les victimes de Bachar Al-Assad. Et pour couronner cela, c'est à Ankara que c'est constitué l'équivalent du CNT libyen de la rébellion syrienne. Obama et Erdogan, après leurs entretiens en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, “ont parlé de la nécessité de davantage de pression sur le régime du président Bachar Al-Assad, pour parvenir à une issue qui répondra aux aspirations du peuple syrien”, a déclaré Liz Sherwood-Randall, une conseillère de la présidence américaine. Le lâchage par Ankara ne présage rien de bon pour les autorités syriennes. Lors de son voyage dans des pays du printemps arabe, Erdogan avait annoncé la couleur. Au Caire, à Tunis et à Tripoli, il avait affirmé qu'alors que le bilan des civils tués ne cesse d'augmenter en Syrie, nous constatons que les réformes ne se sont pas matérialisées et que ses dirigeants n'ont pas parlé honnêtement. “Le peuple syrien ne croit pas Al-Assad, moi non plus. Nous ne le croyons plus”, avait-t-il martelé. Hormis Moscou, Bachar est sans soutien.