Le tribunal de Sétif a prononcé, dans l'après-midi d'hier, une peine de prison de deux ans ferme, à l'encontre du directeur général de l'agence foncière et d'un comptable du même organisme pour corruption. Cette affaire avait eu un immense retentissement dans la région. La salle d'audience était comble et une foule nombreuse, qui n'avait pu avoir accès au tribunal, s'était massée aux alentours. La genèse de l'affaire remonte à mercredi dernier. Le dénommé M. T., bijoutier de son état, s'était rendu au siège de l'agence foncière où il fut reçu par le directeur général. Il voulait régulariser avec l'agence un problème complexe d'un lot de terrain qu'il avait acquis en 1987 et dont il n'avait pas acquitté la totalité du montant. En sortant de l'agence, il alerta la justice et la police judiciaire et déclara que le directeur de l'agence lui avait exigé un pot-de-vin de 20 millions de centimes, pour lui régler le problème. Il fut décidé de lui tendre une sourcière. Est-ce parce que ce responsable avait déjà défrayé la chronique dans des affaires similaires dont il s'est toujours tiré miraculeusement ? Certaines sont d'ailleurs encore pendantes. L'une d'elle a été qualifiée par la chambre d'accusation d'affaire criminelle. Ainsi donc, la somme de 15 millions de centimes a été réunie. Les numéros des billets en furent relevés. il fut convenu entre les éléments de la police judiciaire et la victime, d'un mot de passe qu'il dirait dans son téléphone portable pour signifier que la “transaction” avait eu lieu et permettre ainsi de constater le flagrant délit. La victime se rendit donc, dans la matinée de samedi dernier, au bureau du directeur général. Celui-ci demanda à un comptable de prendre l'argent. La victime déclarera que cet agent était un complice du directeur. Celui-ci soutint mordicus que cet argent n'était qu'un premier versement de la somme totale dont devait s'acquitter M. T. pour régulariser ce qu'il devait à l'agence. Cet argument servira, d'ailleurs, de pierre d'achoppement à la défense. l'un d'eux, maître Benabid, malgré l'extrême difficulté de la tâche et l'exécrable réputation de l'accusé, ne sera pas loin de démonter le faisceau de preuves qui accablait son client. Mais, le procureur, dans un réquisitoire aussi bref que sévère, réduisit l'affaire à sa plus simple expression, se contentant de dire que la pièce à conviction était flagrante et que l'argent avait bien été empoché. Il requit quatre ans de prison ferme. Après délibération, le couperet tomba : deux ans de prison ferme pour chacun des accusés. Cette affaire, au-delà de toute sa charge émotive en ce mois de jeûne et de la souffrance des familles, aurait pu rester, somme, toute banale, si elle n'avait soulevé un coin de voile sur les innombrables forfaitures qui ont émaillé ce milieu dans la wilaya de Sétif et l'incroyable pillage du foncier qui a eu lieu dans cette wilaya, la deuxième du pays, faut-il le rappeler, des années durant. Des dossiers accablants existent et ne demandent qu'à être exploités. Sauf que des personnalités politiques, des élus nationaux et des serviteurs de l'état au plus haut niveau sont impliqués. Il n'est un secret pour personne à Sétif qu'une véritable mafia, constituée de personnalités éminentes, a sévi impunément et que des fortunes colossales ont été amassées en toute impunité, puisque ceux qui étaient censés veiller au patrimoine, ont été les premiers à le dépecer. L'opinion publique serait choquée d'apprendre jusqu'où ceux, qui se prétendent les serviteurs de l'Etat, peuvent aller. Le directeur général, qui vient d'être condamné pour une affaire si banale et de si peu d'importance, a été l'un des pivots du pillage et de la dévastation du patrimoine foncier. Ce n'est un secret pour personne qu'il s'est largement servi au passage, puisqu'il ne se cache pas d'afficher ostentatoirement des signes apparents de grande richesse. À Sétif et ailleurs, bien que toute la grosse fortune qu'il a pu amasser ne représente qu'une infime part de ce qui a été volé par les uns et les autres. Nous y reviendrons ! D. B.