L'Afghanistan a franchi vendredi dans la morosité le cap des dix ans d'intervention américaine, l'amertume semblant l'emporter dans le pays alors que le président Barack Obama assurait que les Etats-Unis achevaient la guerre “de façon responsable”. “Il y a dix ans aujourd'hui, en réponse aux attentats du 11-Septembre, notre pays est entré en guerre contre Al-Qaïda et ses protecteurs talibans en Afghanistan”, a rappelé M. Obama dans un communiqué. “Après une décennie difficile, nous sommes en train de mettre fin de façon responsable aux guerres d'aujourd'hui (en Afghanistan et en Irak) en position de force”, a assuré le dirigeant américain, affirmant que les Etats-Unis étaient “plus proches que jamais de vaincre Al-Qaïda et son réseau meurtrier”. Aux cris de “Les drones volent, les enfants meurent, arrêtez la guerre maintenant”, plus de 200 manifestants ont défilé devant la Maison Blanche à l'appel de l'association “Stoppez la Machine”, qui a entrepris d'occuper une place de Washington à l'instar des manifestants anti-Wall Street de New York. Côté afghan, l'amertume l'emportait, le président Hamid Karzaï estimant dans un entretien à la BBC que son gouvernement et ses alliés de l'Otan avaient été incapables d'apporter la sécurité à son peuple au cours de ces dix ans. Le 7 octobre 2001, moins d'un mois après les attentats du 11-Septembre, l'aviation américaine commençait à bombarder l'Afghanistan après le refus du régime taliban de livrer le chef d'Al-Qaïda, Oussama Ben Laden. Quelques semaines suffiront à la coalition occidentale pour renverser les talibans. Mais les Etats-Unis, moteurs de la force de l'Otan, détournent vite leur attention du pays pour se concentrer sur l'Irak, laissant les talibans, réfugiés notamment au Pakistan voisin, reconstituer leurs forces. Dix ans plus tard, cette guerre, déjà l'une des plus longues de l'histoire américaine, et qui dépasse en durée l'occupation soviétique des années 1980, a pris des allures de bourbier chaque année plus sanglant. Et l'Otan, qui prévoit de retirer ses troupes de combat du pays d'ici fin 2014, cherche une porte de sortie honorable à un conflit qui a, selon l'université américaine de Brown, fait près de 34 000 morts et dans lequel les seuls Etats-Unis ont englouti plus de 444 milliards de dollars. Aucun événement particulier n'a marqué l'anniversaire. Les mesures de sécurité avaient toutefois été renforcées à Kaboul, récemment ensanglantée par plusieurs attaques rebelles qui ont souligné la fragilité du gouvernement, porté à bout de bras par 140 000 soldats de l'Otan. À la veille de l'anniversaire, quelque 200 manifestants ont réclamé à Kaboul le départ de l'Otan dont ils ont dénoncé des opérations meurtrières pour les civils. Jeudi, le général américain Stanley McChrystal, ancien commandant des forces internationales en Afghanistan, a estimé que l'Otan y avait atteint “un peu plus que la moitié” de ses objectifs militaires. Il a admis que Washington et ses alliés avaient eu “une approche terriblement simpliste” du pays et de son histoire. “Nous ne savions pas grand-chose, nous ne savons toujours pas grand-chose” de la culture afghane, a-t-il reconnu. Le retrait occidental de 2014 ouvre la possibilité d'un retour des talibans au pouvoir, une perspective inquiétante pour ceux des Afghans qui ont profité de cette décennie d'ouverture, principalement les citadins. Mais la population, lasse des violences, réclame la paix, que peu imaginent possible sans accord avec les talibans ou sans retrait occidental. Les rebelles refusent de négocier tant que tous les soldats étrangers n'auront pas quitté le pays. Regrettant cette absence de dialogue avec ses ennemis, M. Karzaï a une fois de plus dénoncé les complicités dont ils bénéficient au Pakistan voisin, où se trouve, selon lui, le “quartier général” de la rébellion.