Résumé : Après avoir fait leurs courses, les deux jeunes filles s'installèrent à la terrasse d'un café pour se détendre. Une femme les avait suivies. Elle avait piètre allure, et un serveur l'avait rabrouée. Hakima se lève pour lui porter assistance. Mais elle découvre que cette femme n'était autre que Houria, son amie de l'orphelinat. Hakima commande pour elle du café au lait, des gâteaux et une bouteille d‘eau minérale : - Mange d'abord, tu me raconteras ton histoire après. Houria engloutit les gâteaux et prend son café. Elle reprend des couleurs et se verse un grand verre d'eau qu'elle but d'une seule traite. Elle s'essuie la bouche avec sa manche, puis se met à se curer les dents avec ses ongles sales et cassés. Nawel lui tendit un mouchoir. Elle le prit et se met à le humer avec cet air de femme abandonnée, qui ne l'avait pas quitté depuis qu'elle les a rencontrées. Hakima qui ne cessait de la regarder reprend : - Je ne veux pas te bousculer Houria, mais je t'assure que j'ai failli avaler ma langue lorsque, enfin, je t'ai reconnue… Tu as tellement changé. Houria hoche la tête et se mouche : - Oh Hakima ! Oh ma chère ! Je voulais venir te voir à la cité universitaire ou au journal, mais je me suis abstenue… Je ne voulais pas te créer des ennuis. Je suis confuse pour tout à l'heure, je voulais juste m'approcher pour te regarder… Tu as beaucoup embelli… Et on voit bien que tu as réussi dans ta vie… Par contre, moi… Elle se remet à pleurer : - Je viens de sortir de prison il y a deux semaines. J'ai traîné ma savate un peu partout. Je voulais du travail… n'importe quoi… Mais qui voudrait d'une femme repris de justice… ? Hakima lui tapote la main : - Tu as toujours filé du mauvais coton Houria… Les conseils qu'on te prodiguait à l'orphelinat n'ont apparemment pas porté leurs fruits. Combien de fois t'ai-je répété que les endroits mal famés que tu fréquentais ne menaient à rien, sinon à ta destruction. Houria pleurait toujours. Elle relève la tête et lance : - Je sais… Je n'ai compris la réalité des choses que lorsque j'ai senti le brasier me brûler. Je pensais décrocher la lune. Au début, je travaillais bien… Heu… si on peut appeler ça un travail… Je chantais dans une boîte bien en vue. Et puis il y avait Redouane, le gérant, qui m'avait promis le mariage. - Oui, je me rappelle bien… Pourquoi t'a-t-il donc laissé tomber… ? - Il… il ne m'a pas laissé tomber… Enfin… Je veux dire qu'au début on était bien ensemble, je travaillais tous les soirs et l'argent rentrait à flots… Un jour, je me suis rendu compte que j'étais enceinte. Et c'était le début de la descente aux enfers… Redouane me demandait d'avorter… Il ne cessait de me répéter qu'il ne pouvait être le père du bébé et qu'il ne voulait pas d'un… bâtard chez lui. - Mais vous étiez mariés ! Houria soupire : - A vrai dire, je n'avais aucun papier officiel de ce mariage… Nous vivions en ménage. Hakima soupire à son tour : - Rappelle-toi mes mises en garde. Tu as plongé la tête la première dans la mare au diable. - Mais je pensais que j'avais un bel avenir auprès de lui. - Oui… Je le conçois… Mais tu as oublié que ce genre d'hommes n'ont ni foi ni loi… Ce ne sont que de grands salauds qui exploitent la misère des autres. Je savais que cet homme te voulait juste pour ses intérêts. Ensuite que s'est-il passé ? - Eh bien j'ai dû avorter… J'étais malade comme un chien… Mais j'ai tenu bon… Je descendais tous les soirs dans la grande salle et je travaillais malgré ma grande fatigue, et les remords qui commençaient à me submerger. J'étais Houry la blonde… celle qu'on cherchait pour égayer les soirées. J'étais jeune, belle, attirante et bien sûr rentable. - Et ensuite… ? - Eh bien, un jour je me suis rendu compte que Redouane se payait ma tête… Il était marié à une émigrée et avait des enfants de l'autre côté de la Méditerranée… Moi j'étais juste “la remplaçante” qui, non seulement lui tenait compagnie dans sa solitude ici au bled, mais savait attirer la clientèle. Un jour, un homme est venu lui parler… Redouane me fait un clin d'œil. L'homme voulait me “louer” pour plusieurs jours… Il venait de lancer un nouvel établissement et avait besoin de “nanas expérimentées”. Bien sûr, il allait payer tout ce qu'on lui demandait et même promettre des pourboires au plus “gentilles”. Je refusais ce travail… J'étais censée être la femme du patron, par conséquent je ne devais travailler que dans sa boîte. Mais Redouane se mit en colère et me prit par les cheveux… (À suivre) Y. H.