“Je ne suis pas le bien-aimé du privé. Je suis contre les médias commerçants, je défends plutôt les radios à contenus, à programmes riches, au service de la société (…)”, a-t-il soutenu. Le P-DG de Radio France, Jean-Luc Hees, très controversé depuis sa nomination directe par le président Sarkozy, était, jeudi dernier, l'invité de l'Ecole nationale supérieure de journalisme et des sciences de l'information (ENSJSI), où il a tenté de justifier son rappel par ce président qui n'est pas du tout le bien-aimé des médias français. Une réalité que M. Hees, lui-même, allait reconnaître publiquement à cette occasion : “Aucun des présidents (français) n'a connu un traitement médiatique aussi sévère que celui réservé à Sarkozy ; il y a même un divorce entre les médias et Sarkozy.” S'il avoue par ailleurs que Sarkozy l'a “toujours aidé financièrement” (afin de surmonter la crise de sa radio), M. Hees jure toutefois qu'“il n'y a jamais eu d'interférence du pouvoir” dans la gestion de sa radio, depuis qu'il a été nommé à ce poste, il y a deux ans. “Je n'ai jamais eu une seule intervention du président. Si le pouvoir était réellement proche des médias, Sarkozy ne serait pas donné défavorable à travers les derniers sondages”, a-t-il encore martelé. Mieux, il dira : “Je n'ai jamais été aussi libre dans ma vie (professionnelle)”, rappelant au passage que son installation à la tête de la radio fut précédée par son audition par le Sénat et l'Assemblée nationale de son pays. Ceci quand bien même il saurait que sa désignation par Sarkozy à la tête de la radio est de fait “soupçonnée”, dans l'Hexagone, aussi bien dans le milieu médiatique que chez la classe politique. En outre, M. Hees ne dément pas les “soucis” qu'il a eus avec les membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel (le CSA français), avouant qu'“(il) n'était pas du tout leur candidat”. Parfaite transition de M. Hees pour arguer que sa nomination par le président de la France ne devrait guère remettre en cause ses engagements de journaliste professionnel, lui qui a plus de 40 ans de métier. Sa nomination par Sarkozy “n'affecte en aucun cas la liberté d'expression” au sein de Radio France, soutiendra M. Hees, lui qui juge que “le journalisme est un métier essentiel dans la vie démocratique d'une société”. Avant de renchérir : “Le journalisme est une mission, c'est le socle de la démocratie.” Pour lui, la vraie mission du journaliste est celle qui répond au service public. “Moi, je défends les intérêts de la nation. Je ne suis pas le bien-aimé du privé. Je suis contre les médias commerçants, je défends plutôt les radios à contenus, à programmes riches, au service de la société (…)”, a-t-il soutenu. À une question sur l'avalanche des informations qui, de nos jours, déferlent et l'avènement des réseaux sociaux, M. Hees préconise de “trouver un mariage entre ce monde (de l'internet) et le journalisme”. Car, juge-t-il, “rester les bras croisés, c'est dangereux”. S'interrogeant sur “comment trier dans ce cirque de l'info?”, M. Hees dira : “C'est au journaliste de savoir choisir et traiter les bonnes informations.” Dans ses réponses à la série de questions posées par l'assistance nombreuse de l'amphithéâtre de l'ENSJSI, M. Hees appréhende par ailleurs “l'équilibre rompu” entre le pouvoir de l'argent et la classe politique, qui, dit-il, joue en défaveur du journalisme professionnel. “Aujourd'hui, je suis plutôt inquiet de l'excès dans l'exercice du journalisme”, a-t-il dit, non sans tirer un boulet sur les journalistes économiques français qu'il n'a pas hésité à qualifier de “la risée du journalisme”… Farid Abdeladim