Comment doit-on appréhender les transformations politiques dans le monde arabe propulsant les islamistes au pouvoir ? Quelles leçons peut-on tirer des expériences vécues par un nombre de pays de la région ? Comment réagir face au nouveau contexte géostratégique ? Ce sont autant de questions qui taraudent l'esprit de nombreux analystes et observateurs algériens depuis l'avènement du Printemps arabe. Pour tenter d'y apporter quelques éléments de réponse, le Centre de recherches stratégique et sécuritaire, (CRSS), sous la direction du professeur Mohand Berkouk, a eu l'idée d'organiser, hier, une conférence-débat sur ce thème précis : “L'islam politique et les transformations politiques arabes”. Dans leurs exposés respectifs, les professeurs de l'Institut des sciences politiques d'Alger, Mostapha Saïdj, spécialiste en géostratégie et les relations internationales, et Selmi Laïfa, spécialisé dans l'analyse du courant islamiste, ont tenté de décortiquer les tenants et aboutissants des “révoltes arabes” et ce qu'elles impliqueraient comme changements et/ou transformations politiques dans le monde arabe, particulièrement, et à travers la planète, en général. La question préoccupante, selon les deux analystes, reste cependant la montée fulgurante du courant islamiste et son accès au pouvoir, après les révoltes populaires, dans certains pays arabes, notamment la Tunisie, l'annonce du CNT libyen pour l'instauration d'un Etat islamiste, ou encore les intentions affichées par le Conseil de transition syrien. Si d'une part, les deux analystes s'accordent à dire que l'accès au pouvoir des “islamistes modérés, un modèle calqué sur le système turc”, en Tunisie et probablement bientôt, en Libye, est “favorisé par l'Occident” ; d'autre part, MM. Saïdj et Laïfa, ne manquent pas d'alerter sur le “danger islamiste qui menace le processus démocratique dans plusieurs pays arabes”. Conscient du “soutien” des Etats-Unis d'Amérique au courant “salafiste”, encadré par les fetwas référentielles du royaume wahhabite, “le lobby saoudien”, M. Saïdj dira que “tout ce qui importe l'Occident, c'est de protéger Israël et de s'accaparer le pétrole des pays arabes”. Reste à savoir, s'interroge ce spécialiste en géostratégie, si les islamistes (arabes), quoiqu'ils soient foncièrement opportunistes, accepteraient la normalisation avec Israël ? Ce qui laissera l'orateur présager d'ores et déjà des “problèmes” auxquels sera confronté le système (islamiste) tunisien. Pour M. Saïdj, il n'est plus un secret pour personne que la politique des islamistes se situant actuellement entre “l'adaptation et la temporisation”, est basée sur le principe des “conflits autour du butin et de la logique de la tribu”. Or, dit-il, la construction d'un Etat nation, un Etat de droit, doit se faire autour des compromis trouvés entre les différents courants composant la classe politique nationale. Autrement dit, seule la séparation de la religion de l'Etat permettra l'édification d'un Etat démocratique et civil. Comment se démarquer des régimes théocratiques et construire l'Etat démocratique escompté, édifier le “Printemps démocratique arabe” auquel aspirent les peuples ? C'est le Dr Mahmoudi, enseignant à l'Institut des sciences politiques, qui, dans son intervention, répondra indirectement, à cette question, à travers sa pertinente remarque : “Ce sont tous les dictateurs arabes, déchus ou encore en poste, qui puisent leur légitimé de l'extérieur, et qui ne bénéficient d'aucune légitimité interne”. Belkhadem, l'invité surprise Intervenant en qualité de “simple” citoyen, l'invité surprise de cette rencontre, le secrétaire général du FLN et néanmoins ministre d'Etat, représentant personnel du président de la République, Abdelaziz Belkhadem, a, pour sa part, tenté de convaincre que “ce qui se passe actuellement dans le monde arabe, répond au déploiement géostratégique dicté par l'Occident”. Belkhadem a profité de cette tribune pour défendre, par ailleurs, le “courant nationaliste” auquel il dit appartenir jugeant que ce courant est “le plus efficace” pour faire face à la “menace”, en ce Printemps arabe. “L'Algérie n'est pas à l'abri de ce déploiement géostratégique, elle est aussi visée”, a-t-il dit, tout en s'opposant au concept de “Printemps arabe” qu'il juge “étranger à nous”. Pour lui, le concept a pour objectif de “brouiller la vision” des Arabes. Farid Abdeladim