La 3e session du Forum d'Alger, organisée par le Cabinet Emergy, avec comme sponsor major Alliance Assurances, a été consacrée à la mise à niveau des entreprises. Le Forum d'Alger consacre une de ses sessions annuelles à l'entreprise. Elle complète les cinq autres thèmes génériques du Forum d'Alger (finances, énergie, eau, agriculture, TIC et santé) traités chaque année en une session spécifique. Les PME doivent exercer un effet d'entraînement les unes sur les autres et être des générateurs de flexibilité pour le reste de l'économie. Leur dynamisme devrait agir sur les autres acteurs. Pour prendre une parabole maritime, les économies deviennent davantage des flottilles de petits bateaux rapides, efficaces, gardant toujours l'initiative, innovants dans leurs manœuvres, que des gros navires lourds à manœuvrer et faillibles, vulnérables aux attaques ennemies. L'essor allemand, cela est de notoriété publique, repose quasi exclusivement sur le dynamisme des PME. L'entreprise algérienne devra fonctionner selon les mêmes standards que les meilleures firmes mondiales. Il faut pour cela aller vers un nouveau modèle d'entreprise, caractérisée par son excellence, son pouvoir innovant et la modernité de son management : une entreprise neuronale, sensible aux mouvements de son environnement, une entreprise agile, flexible, plutôt qu'un grand monstre, à l'image des Combinats soviétiques. Small is beautiful ! L'avantage de la PME est que sa taille lui procure un plus par rapport aux grandes entreprises et donc de réelles chances de succès. La taille signifie flexibilité, agilité et aussi culot. Les petites entreprises osent généralement plus que les grandes. Il faut en convaincre les PME algériennes. Il faut aussi que les entreprises se placent dans les logiques concurrentielles du monde, qu'elles visent les marchés mondiaux, qu'elles se prémunissent contre des concurrents venant de tous les horizons. Pour cela encore une fois : think global, act local ! Internet agit en profondeur, réduisant les distances et décloisonnant les marchés pour créer le marché global. Celui-ci s'impose à l'entreprise. Il faut parler ici de e-transformation des PME impliquant un regard nouveau sur les processus opérationnels qui devront intégrer organiquement les TIC dans toute leur chaîne de valeur. L'état algérien doit impérativement entrer dans son rôle d'“état stratège”. Pour que l'état algérien joue son rôle d'“état stratège”, qui mutualise les stratégies individuelles, crée les conditions de la compétitivité globale et propage l'esprit de conquête, il convient d'abord de délimiter le périmètre stratégique de l'économie. w Quelles sont les entreprises stratégiques ? w Quels sont les “champions nationaux” en devenir et dont il faut encourager l'expansion ? w Quelles articulations créer entre ces leaders et le reste des entreprises, l'université et la recherche ? w Quelle implication de l'ingénierie nationale existante et quel redéploiement envisager ? Les interventions des différents orateurs ont été très denses et riches donnant une qualité exceptionnelle aux débats. Les constats sont sévères mais la volonté d'avancer est réelle. Unanimement, il a été constaté que la mise à niveau d'une part n'a pas été du niveau souhaité, d'autre part n'a touché que peu d'entreprises, près de 300 sur un total dépassant les 300 000 PME. Il faut donc aller impérativement vers de nouvelles approches. Le programme PME 2 a pris deux ans de retard. Il vise la compétitivité des entreprises. étant cette fois-ci dirigé par un responsable algérien, il a de meilleures chances de réussir. Pour M. Bensaci, l'innovation doit être introduite dans la mise à niveau qui, d'autre part, doit devenir une action globale, intégrée dans la politique nationale de la PME. La sous-traitance est un réel défi pour les PME algériennes. L'industrie des hydrocarbures doit donner l'exemple et entraîner derrière elle, dans son sillage, une floraison de PME. Une concertation entre les secteurs de l'énergie (les rencontres avec le ministre concerné n'ont pas donné de résultats notables) et de la PME doit être institutionnalisée et englober aussi l'enseignement supérieur et la recherche scientifique ainsi que la formation professionnelle. Cette action majeure doit être suivie et coordonnée au plus haut niveau de l'état. Le programme PME 2 vise les processus de l'entreprise et, par leur optimisation, agir sur la compétitivité. Il s'adresserait au maximum à 200 entreprises. Si dans son esprit, le programme PME 2 semble convaincant, il reste à le porter au niveau des échelles qui sont celles de l'industrie algérienne, faute de cela il resterait très mesuré quant à ses effets structurants. Le Programme national de mise à niveau vise 20 000 entreprises sur une échéance de cinq ans. Le montant engagé, 386 milliards de dinars, est conséquent mais demande à être revu à la hausse pour répondre aux besoins très élevés des PME en matière de mise à niveau. Beaucoup d'intervenants ont évoqué la nécessité d'un benchmarking. Il semble clair que pour établir des objectifs réalistes et en phase avec les enjeux réels, il faut remettre à plat nos référentiels et réétalonner ceux-ci en fonction des réalités de l'industrie aujourd'hui dans le monde. Il faut étudier soigneusement ce que font les autres et choisir les meilleures approches, considérant les spécificités de notre pays. Beaucoup d'opérateurs appellent de leurs vœux un Small Business Act. Ils demandent aussi que la production nationale ne soit pas exposée aussi anarchiquement aux attaques des produits importés. En effet, la situation de Dutsch Disease que connaît notre pays, où les importations permises par la prospérité pétrolière arrivent à inhiber tout effort d'industrialisation, est à considérer avec beaucoup de sérieux. Un observatoire sur ces questions devrait être créé au plus haut niveau du gouvernement. Il s'agit aussi par un puissant effort en matière d'intelligence économique de renforcer la compétitivité et la combativité des entreprises nationales, en leur apportant une visibilité optimum sur le cadre concurrentiel national et international dans lequel elles opèrent mais aussi en les appuyant par une action volontariste de lobbying et d'influence. Nos ambassades devraient être impliquées activement dans une telle démarche. Dans tous les cas, une concertation large et une coopération public – privé doivent être mises en œuvre. Plusieurs orateurs ont insisté sur la nécessité de créer des espaces de concertation entre entreprises. Ces espaces permettront aussi de mutualiser des fonctions transversales comme la maintenance, l'ingénierie, les centrales d'achats, voire la prospection à l'export. En conclusion, sept conditions au développement de la PME : 1. Instaurer le meilleur environnement et le cadre réglementaire et juridique adéquat pour l'épanouissement des PME, l'esprit d'entreprise et le libre jeu des lois du marché. Cet environnement est aujourd'hui perçu comme facteur de blocage très fort par les PME : décalage du système financier par rapport aux réalités du monde de l'entreprise aujourd'hui ; il se traduit par des lourdeurs administratives, un difficile accès aux crédits, etc., problèmes du foncier, les relations avec les structures locales de l'état, l'accès aux marchés publics, etc. 2. Permettre aux PME, pour la plupart encore des business family, de faire leur mue et passer à une phase qualitativement supérieure, gagner en maturité et accéder à des logiques organisationnelles et managériales modernes, comparables à celles de leurs concurrents dans le monde. Dans ce sens, des actions globales d'accompagnement sont à imaginer. Elles combineront dans des logiques d'ingénierie du changement, mise à niveau, formation/coaching des managers et mise en place d'instruments, systèmes et procédures modernes d'organisation et de management. 3. Donner les moyens et encourager les PME à gagner en compétitivité en générant en leur sein des processus innovants. Mutualiser des initiatives entre PME en ce sens et impulser résolument une articulation harmonieuse entre PME et universités. 4. Il faut encourager les PME innovantes et orienter sélectivement le développement industriel vers les logiques structurantes de la nouvelle économie fondée sur la communication et les réseaux de savoir. L'état doit fortement s'y impliquer en encourageant le développement d'incubateurs d'entreprises, mais aussi par des subventions, des incitations fiscales, également en développant des mécanismes de financement de type capital risque. 5. Les PME évoluent dans un cadre concurrentiel dont il leur revient de maîtriser et anticiper les évolutions. Les PME doivent prendre conscience des règles de la guerre économique pour se ménager des chances de la remporter. En ce sens, il convient de concevoir et mutualiser des démarches d'intelligence économique au service des PME. Cela implique actions de formation, ingénierie mais aussi accompagnement et coaching. 6. Cela suppose inévitablement la mise en œuvre dans notre pays d'un nouveau modèle d'entreprise, une entreprise innovante, axée sur la recherche de l'excellence, une entreprise agile, une entreprise sensible, une entreprise neuronale qui tire sa force de son organisation en réseau, une entreprise ouverte sur son environnement national et surtout international, une entreprise avec un leadership moderne, en accord avec son temps. 7. Enfin, il faut que les PME s'intéressent de manière positive au monde qui les entoure et qui est source d'opportunités comme de menaces. Il leur revient de concevoir les logiques productives ainsi que leur développement en tenant compte des contraintes et impératifs, des enjeux et des challenges de cet environnement hautement compétitif, mais en même temps stimulant par ce fait et toujours porteur de progrès et de perspectives nouvelles. Combattre l'autisme des PME et les mettre à l'heure planétaire est la première urgence. Alors elles se rendraient compte de leurs immenses possibilités. Les différents speakers sont à remercier vivement pour la qualité de leurs interventions qui ont fait de cette rencontre une réussite significative. M. Zaïm Bensaci, président du CNC-PME, mais aussi d'une entreprise algérienne sous-traitante d'Airbus Industries, la Somemi, a apporté un éclairage particulier, rendant compte de la réalité de la mise à niveau vue par les chefs d'entreprise. Son témoignage, assez sévère mais plein d'optimisme quant au bilan de la mise à niveau, a été conforté par les interventions venant de la salle. Le représentant du ministère de l'Industrie, de la PME et de la Promotion de l'investissement nous a éclairés sur les ambitions et projets de l'état en la matière, conforté par M. Yves G. Van Frausum, représentant de PME 2. MM. Michel Delattre et Hocine Amer Yahia ont quant à eux apporté le témoignage qualitatif d'experts rompus aux questions de mise à niveau. Les conditions étaient en effet réunies pour un débat riche et constructif. Par Kahina Benlounes, directrice exécutive sous la direction du Dr Mourad Preure, président du Cabinet Emergy