Paris pourrait participer avec Ankara et Londres à une campagne en territoire syrien. Celle-ci serait toutefois “limitée”, des leçons ayant été tirées du laboratoire libyen, mais surtout que le régime de Damas est soutenu à mort par la Russie et à un degré moindre par la Chine, sans lesquelles le Conseil de sécurité ne peut pas grand-chose. L'appétit vient en mangeant : Nicolas Sarkozy serait à la recherche d'un BHL, le sulfureux philosophe va-t-en-guerre qui a fini par avouer publiquement que ses agissements en Libye obéissaient plus à une stratégie d'Israël et du sionisme mondial qu'aux droits de l'homme, et dont la déclaration n'a pas encore suscité de réactions chez les “révolutionnaires” libyens ! En tête du combat diplomatique visant à faire tomber Bachar Al-Assad, la France serait donc à la veille d'une opération militaire en Syrie. Nous assistons à un remake du scénario libyen : premier pays à avoir qualifié le Conseil national syrien (CNS) d'interlocuteur légitime, Paris manigance pour monter une opération coup-de-poing de l'Otan en Syrie. C'est en tout cas ce qu'affirme Le Canard enchaîné, le satirique mais très bien informé hebdomadaire parisien. La Turquie pourrait être la base arrière de cette “intervention limitée, prudente et humanitaire, sans action offensive”. Cette perspective aurait été envisagée lors du séjour du ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, à Ankara où il s'est longuement concerté avec le Premier ministre turc, Erdogan. Leur énergique poignée de mains a-t-elle signifié un nouveau départ des relations franco-turques, très froides auparavant du fait de la position de Nicolas Sarkozy sur l'entrée de la Turquie au sein de l'UE. Le président français, on s'en souvient, avait fait du refus de l'admission turque un point important de sa campagne électorale en 2007. Pour lui, l'ancienne “Porte sublime” musulmane ne partage pas les valeurs judéo-chrétiennes de l'Union européenne. Il a convaincu la chancelière allemande Merkel, qui devait subitement découvrir que les 2,5 millions de turcs et d'origine turque n'étaient pas suffisamment intégrés !? La messe fut dite, et la Turquie est restée sur le seuil de la porte de l'UE. D'après le Canard enchaîné, Ankara a proposé d'instaurer une zone d'interdiction aérienne et une zone tampon à l'intérieur de la Syrie destinée à accueillir les civils qui fuient la répression et les militaires qui désertent. Cette zone de protection, décidée il y a une dizaine de jours, sera située dans la partie nord de la Syrie. Elle permettra non seulement de défendre les populations civiles, mais aussi d'offrir un soutien éventuel à l'Armée syrienne libre (ASL) à l'intérieur des territoires syriens. L'ASL, composée de 15 000 membres de l'armée régulière ayant fait défection, est dirigée depuis la Turquie par le colonel Riad Al-Assad. Le scénario et l'opération ne sont pas sans rappeler l'intervention de l'Otan en Libye. Quel que soit son emballage, l'objectif de l'intervention est de soutenir l'ASL, comme en Libye, mais avec plus de discrétion. On sait, selon le numéro du 28 novembre, de “La lettre hebdomadaire d'informations stratégiques et de défense” française, que le service action de la DGSE et le commandement des opérations spéciales (COS) de l'armée française seraient déjà au contact des militaires dissidents syriens pour les former et les aider à structurer leur capacité opérationnelle. Et ce n'est pas tout, la France ne serait pas la seule à occuper le terrain. La CIA et le BND (services secrets allemands) auraient déjà repositionné leurs hommes en Turquie et en Jordanie, avec pour mission de renforcer le principal mouvement d'opposition armé au régime de Bachar Al-Assad. Il ne manque à l'appel que le MI6 britannique, qui a pourtant joué un rôle de premier plan dans la chute de Kadhafi ! Fahad Al-Masri, conseiller politique et médiatique du rassemblement de la communauté syrienne à l'étranger, a confirmé ces bruits de bottes à un autre hebdomadaire français : “L'intervention, qui doit avoir lieu dans quelques semaines, pourrait être aérienne comme en Libye, et aurait lieu par le biais de la Turquie.” Pour autant, selon les Russes, qui fulminent contre l'opération en préparation, Ankara favorise le trafic d'armes aux frontières de la Syrie… Moscou se fait menaçant mais le couple Poutine-Medvedev a fort à faire avec le nouvel hold-up électoral qu'ils ont programmé pour leur pays. Ils vont échanger leurs postes ! L'opération franco-turco-américano-allemande laisse craindre une réponse plus sanglante de la part de Damas. L'opération est en marche pour autant, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a condamné vendredi le régime de Damas pour les atrocités commises en Syrie, où 4 000 personnes dont plus de 300 enfants sont mortes des mains des forces de sécurité depuis le mois de mars. D. Bouatta