La satisfaction des besoins nationaux en céréales et tout particulièrement en blé dur demeure fortement tributaire des importations, qui couvrent à hauteur de 70% la consommation locale. Selon l'ONS, la facture des importations a augmenté de 135,9% durant les dix premiers mois de 2011, pour passer à 2,42 milliards de dollars contre 1,02 milliards de dollars en 2010. Ces chiffres ont été confirmés par le ministre de l'Agriculture, lors des questions orales des membres du Conseil de la nation, “les importations de l'Algérie en céréales pourraient atteindre 2,75 milliards de dollars à fin 2011, les importations de blé ont connu une hausse par rapport à 2009/2010, atteignant 2,2 milliards de dollars à fin septembre de l'année en cours”. Cette dépendance du marché extérieur des céréales pose avec force la question récurrente de notre sécurité alimentaire. L'intérêt accru manifesté pour cette filière est, sans doute, la conséquence directe de la flambée des cours du blé dur sur le marché mondial, qui ont atteint 800 dollars la tonne en 2007. Un tel seuil de prix avait suscité beaucoup de craintes et soulevé moult questionnements, autour notamment de ce qu'il est désormais convenu de qualifier “d'arme alimentaire” ainsi que les chantages et pressions politiques qui en découlent, exercés par les pays producteurs sur ceux en développement. Aussi, les pouvoirs publics ont pris un certain nombre de mesures incitatives pour booster cette filière, avec comme objectif l'amélioration des rendements à l'hectare et l'augmentation de la production. Bien que les résultats obtenus demeurent insuffisants au regard notamment de nos besoins et de la qualité de notre blé dur, ces mesures, telles que la subvention de 45 000 DA/t en faveur des producteurs locaux, ont permis un relatif accroissement des rendements à l'hectare qui sont passés de 11q/ha en 2008 à 17 q/ha en 2011. Par ailleurs, des récoltes exceptionnelles ont été enregistrées ces deux dernières années, avec respectivement 61 millions de quintaux en 2009 et 45 millions en 2010, pour marquer un fléchissement en 2011 avec une production estimée à 42 millions de quintaux. Il faut dire que les conditions climatiques et pluviométriques favorables, en plus de l'introduction de nouvelles techniques phytosanitaires, d'ensemencement et d'emblavement des terres cultivables, ont contribué grandement à la réalisation de ces performances, ce qui fait dire à de nombreux experts que des possibilités réelles d'amélioration significative de la productivité de la filière céréalière existent effectivement en Algérie. En revanche, d'autres spécialistes des questions agricoles, de même que des céréaliculteurs sont plus critiques au regard des lacunes persistantes, telles que les pénuries et la mauvaise qualité des engrais et des semences, qui altèrent à la fois les rendements et la qualité de la production en blé dur. Ainsi, les participants à la conférence des cadres de l'agriculture avaient recommandé en 2008, à propos du programme semences et plants, “la reconstitution de nos stocks en semences et la validation des variétés adaptées aux conditions agro-pédo-climatiques de notre pays”. Il s'agissait du programme semences, qui portait sur les céréales (blés tendres et durs, orges, légumineuses alimentaires, telles que les lentilles, pois chiches…). En termes d'emplois créés, la filière occupe 500 000 travailleurs permanents et saisonniers. Les capacités de trituration dont elle dispose seraient de plus de 230% par rapport à la taille du marché domestique répartis entre les moulins publics (95%) et privés (135%) soit une capacité respective de trituration de 19 000 et 27 000 t/jour. L'industrie céréalière privée, représenterait environ 253 PME qui contrôleraient plus de 80% du marché. Ces résultats ont été obtenus grâce aux mesures prises par l'exécutif relatives à l'élargissement des surfaces labourées (3,3 millions d'hectares) et celles fertilisées (4 millions d'hectares, soit près de 207%) par rapport à la campagne labours-semailles 2008-2009. Par ailleurs, dans le cadre de la stratégie du renouveau agricole et rural, qui vise l'amélioration des rendements du secteur céréalier, il a été décidé la reconduction des décisions relatives à l'élargissement du soutien à l'utilisation des semences certifiées, l'octroi aux céréaliculteurs de crédits fournisseurs par l'OAIC pour l'acquisition d'engrais et produits phytosanitaires. Cette approche sera, selon les responsables du secteur de l'agriculture, poursuivie durant le plan quinquennal 2010-2014. Dans une interview accordée en 2008 par Ould Hocine, président de la chambre d'agriculture, consacrée aux dangers qui pèsent sur notre sécurité alimentaire, il avait estimé que l'état a abandonné l'agriculture aux spéculateurs et que “nous avons constaté que les gens, même s'ils disposaient d'un agrément du ministère de l'Agriculture, importaient les quantités et les classes de semences qu'ils voulaient pour que nous restions toujours dépendants des importations”. Quant à la production locale des semences, il avait affirmé que l'Algérie ne dispose pas de laboratoires spécialisés pour la production de la semence locale, en dehors de celui de Guellal (w. de Sétif) mais qui n'a jamais fonctionné. Ces laboratoires “remettaient en cause plusieurs intérêts”. Entre-temps, les choses ont évolué. à titre d'exemple, lors du forum sur “l'autosuffisance alimentaire”, organisé récemment par le journal Liberté, les représentants du groupe Benamor ont mis en avant leurs expériences dans la recherche et l'innovation technique et scientifique en matière de diagnostic et d'amélioration de la semence des tomates industrielles par l'adaptation “variétale”, pour échapper au stress hydrique, ce qui a permis la multiplication des rendements par cinq. Dans une économie mondiale globalisée, où les faibles n'auront pas de place, libérons nos énergies créatrices publiques et privées, sinon nous subirons le diktat des puissants de ce monde, pour simplement prétendre manger à notre faim. A. H.