Le ministre des Affaires étrangères n'était plus militant du FLN depuis le départ de l'équipe Mehri et la fin du contrat de Rome. Quelle sincérité lui prêter aujourd'hui? Si l'Histoire récente de l'Algérie devait être observée à la lumière de la sémantique, il ne subsistera plus un doute sur les intentions du président de la République et de ses affidés quant à la direction du FLN. Les dissidents, laissés sur la rade par un congrès qui s'est repenti d'avoir soutenu en 1999 un candidat en complet décalage avec son projet, se sont rassemblés dans ce qu'ils appellent un “mouvement de redressement”. Les détournements de toutes sortes étant la règle dans ce pays, on ne s'étonnera pas de ce hold-up réalisé sur le sens du mot redressement. En l'occurrence, il s'agit de retrouver un état initial après une torsion ou une déviation. On parle ainsi de maison de redressement pour désigner les prisons. Le délinquant étant bien sûr un tordu qu'il convient de remettre sur le droit chemin. On parle aussi de redressement judiciaire en ce qui concerne une entreprise menacée de faillite. Tout cela pour dire que Benflis est perçu par Belkhadem and co un peu comme un délinquant qui met en péril la maison FLN. Mais heureusement que l'Histoire est là pour nous rappeler que le coup d'Etat de 1965 était également présenté sous les apparats d'un “redressement révolutionnaire”. Il consistait, nous expliquait-on alors, à rectifier la trajectoire de Ben Bella afin de remettre le pays sur la voie tracée par la déclaration du 1er Novembre 1954 et le Congrès de la Soummam. Alors ? Il n'a pas fallu attendre longtemps pour comprendre que le vœu proclamé de redressement s'est mué en projet de dressage d'un peuple devant être soumis par la trique aux injonctions de son maître. Le redressement que semble préparer aujourd'hui Abdelaziz Bouteflika ne devrait pas induire autre chose que cette soumission. Ses intentions sont d'autant plus claires qu'il fut un des principaux artisans du 19 juin. En outre, les cinq années passées à la tête de l'Etat l'ont révélé à ceux qui ne le connaissaient pas dans sa nature de roitelet, seulement guidé par ses intérêts. Et si la loi n'y est pas conforme, il ne s'embarrasse même pas de l'adapter. Il l'ignore en le faisant savoir. Avec fracas s'il le faut. Il ne lui plaisait pas de voir des ministres poursuivre leurs activités partisanes? Il la leur interdit. Et son Chef du gouvernement, bien moins narquois qu'à l'ère de pappy Zeroual, s'exécute par la publication d'une circulaire. Mais les ministres restés fidèles à Benflis ne sont plus là. Il n'y a donc plus d'empêchement à sacrifier les fonctions ministérielles rémunérées par l'Etat à l'action partisane puisqu'elle est dédiée à la gloire du Président. Ouyahia réduit à un simple faire-valoir par des ministres qui ne lui reconnaissent aucun ascendant, Belkhadem peut exercer la “politique intérieure” sans pour cela requérir l'aval de l'administration. Mais diable, pourquoi ce “rebelle” a-t-il autant attendu pour appeler au sauvetage d'un parti dont il n'était plus le militant depuis bien des années. On oublie souvent de le dire. Belkhadem avait quitté le FLN lorsque Abdelhamid Mehri en avait été écarté de la direction par un comité central qui l'avait remplacé par Boualem Benhamouda. En phase avec Mehri qui dirigeait le parti depuis le fameux congrès de novembre 1988, Belkhadem, membre du BP, avait soutenu la démarche de son secrétaire général. Il avait partagé ses positions sur l'interruption du processus électoral de 1991, sur le HCE dénoncé comme une “autorité de fait” et sur le “contrat de Rome”. Par solidarité, Belkhadem avait décidé de quitter le FLN après la mise à l'écart de Mehri. En 1999, il n'avait pas eu à être sollicité pour le soutien de Bouteflika qui avait accepté de confier la direction de sa campagne à Benflis. Après l'élection, Belkhadem avait même choisi de militer dans l'opposition à Bouteflika qu'il suspectait de chercher un rapprochement avec Israël après la fameuse poignée de main échangée avec Ehud Barak et sa proximité affichée avec Enrico Macias. En riposte, Belkhadem avait créé un “comité national contre la normalisation” des relations avec l'Etat hébreu. Lorsqu'il avait été appelé à la tête de la diplomatie, les proches de Bouteflika expliquaient à ceux qui s'étonnaient de cette décision que le Président venait d'apporter la preuve que le supposé opposant n'était pas insensible aux sirènes du pouvoir. C'était, disaient-ils, une manière de le soustraire à ceux qui lui accordaient encore une certaine crédibilité. En cela, Bouteflika a certainement raison. En 1991, Belkhadem se préparait à convoler avec le FIS. Aujourd'hui, il s'agrippe de toutes ses forces en voulant redresser un parti dans lequel il avait pourtant cessé de militer. N. B.