Omar a vu un chat à deux queues : ses parents l'accusent de menteur. Omar éclate en larmes. - Pourquoi ne voulez-vous pas me croire ? - Hors de ma vue, je ne veux plus te voir ! Pour la première fois, il ressent comme un sentiment d'injustice. Certes, on pouvait jusque-là lui reprocher de travestir la vérité, de mentir même, bien qu'il n'accepte pas ce mot, mais cette fois-ci, il n'invente rien : il a bel et bien vu un gros chat noir, un chat flanqué de deux appendices caudaux ! Il va essayer de retrouver le chat et, malgré la peur qu'il lui inspire, tenter de le rattraper, sûrement qu'on le croira alors ! Un peu plus tard, dans la soirée, des amis rendent visite à la famille. On les retient à dîner. Tandis que les enfants jouent dans la cour de la maison, les adultes papotent autour d'un café. On parle des enfants et des problèmes qu'ils posent. - Moi, mon problème, dit le père, c'est Omar. Il n'arrête pas de mentir ! - C'est normal, tous les enfants de son âge ont tendance à la fabulation ! - Non, avec Omar, c'est particulier. Il ment de façon naturelle et croit à ses mensonges. Bien entendu, on ne manque pas de parler de sa dernière “trouvaille”, un chat à deux queues ! - Un chat à deux queues ! - Oui, et il a dit aussi qu'il est gros comme un chien ! - Comment peut-on inventer des choses pareilles ? On pouffe de rire. Omar choisit ce moment précis pour entrer dans la maison. - Voilà le chat à deux queues ! Il veut ressortir mais son père l'appelle. - Viens, tu vas nous raconter toi-même ce que tu as vu ! Il le fait asseoir au milieu des convives. Le petit, très intimidé, n'ose pas lever les yeux. Il n'ose pas non plus parler mais son père insiste. - Allez, vas-y, raconte ! Il raconte son histoire en bredouillant, au milieu des rires des convives et de ses parents. - Un chat à deux queues, voyons, voyons… On le laisse repartir. Il les entend encore rire et, du coup, il ne veut plus jouer. On refuse de le croire, on se moque de lui… Pourvu seulement que des enfants n'entendent pas parler du chat : il serait la risée de tout le monde ! Mais les amis de la famille vont en parler. Et comme la ville est petite, cela fera rapidement le tour. En quelques jours seulement, c'est tout le monde qui est au courant. On le surnomme le chat aux deux queues et les enfants, à son passage, se mettent à crier : “Miaou, miaou !” Les premiers temps, il essaye de se défendre et même de poursuivre les petits persécuteurs, mais il finit par céder sous le nombre : c'est lui qui se sauve dès qu'il voit les garnements approcher. Si au moins on le laissait en paix à la maison. Mais non, ses frères et ses sœurs l'importunent et l'arrêtent, dès qu'il veut parler, par d'énergiques : “Tais toi, petit menteur !” Il pleure pour les attendrir, il refuse de manger, mais c'est l'effet inverse qu'il obtient : on le gronde encore plus et on menace de le punir s'il continue à faire le mariole. (À suivre) G. B.