Gaz lacrymogènes, passages à tabac, torture, harcèlements sexuels et tirs à balles réelles … l'usage de la répression des années dictatures par l'armée égyptienne fait craindre pour les acteurs de la révolution du Nil une contre-révolution. Le Conseil militaire qui exerce le pouvoir réel resserre la vis, on est bien loin des images du début du soulèvement où révolutionnaires de la place Tahrir et militaires se congratulaient et où ces derniers avaient pesé de tout leur poids pour contraindre Moubarak à lâcher son pouvoir. Bien loin de ces clichés en boucle où les manifestants dormaient à l'ombre des tanks. L'armée avait alors conquis ses lettres de noblesse, auréolée, elle avait même acquis sa légitimité pour conduire la transition démocratique. Et puis, il y a eu ce déchaînement contre une manifestation de Coptes le 10 octobre. Des tanks foncent sur les manifestants. Des images violentes, signes avant-coureurs d'un pas en arrière dans le processus révolutionnaire. Comme au temps du régime autoritaire, l'armée a agité le chiffon rouge du complot étranger et à la Place Tahrir, le chef du Conseil suprême des forces armées, le général Tantaoui, est l'homme à faire descendre du trône. Il a remplacé sur les banderoles le visage de l'ancien raïs, accusé de semer le chaos. D'où vient cette crispation militaire ? Il faut savoir que l'armée en Egypte est plus qu'une institution, c'est une corporation très privilégiée, très présente dans le secteur économique notamment dont elle détient près de 30%. Son rôle dans la société était rarement critiqué, de Nasser à Moubarak, tous les présidents égyptiens furent des officiers. Pour des observateurs, avec les élections législatives et la percée des partis islamistes, les Frères musulmans et leur extrême droite d'En-Nour, les militaires ont craint pour leurs privilèges et cherchent à assurer leurs arrières, préserver leur statut. Pour d'autres, l'armée veut rester maître des changements. Pour elle, la transition démocratique se termine avec les législatives, alors que pour les acteurs de la Place Tahrir, le printemps du Caire est loin d'être clos. À la place Tahrir qui continue de rassembler les jeunes qui aspirent à des changements profonds (une société plus juste, plus démocratique), le maréchal Tantaoui aurait conclu un deal avec les islamistes. À ces derniers une partie du pouvoir et aux militaires la tâche d'assurer cet ordre pour bénéficier encore d'une position privilégiée, plus nécessairement politiquement. Surtout, le maréchal veut éviter les chasses aux sorcières, d'où sa violence pour mater les soubresauts révolutionnaires. La reprise en main de la révolution par l'armée date en fait du jour où elle a lâché Moubarak, elle a tenté de faire taire les blogueurs et autres empêcheurs de tourner en rond. D. B.