Pour les observateurs avisés, la fermeture du détroit d'Ormuz serait un suicide économique pour l'Iran parce que la quasi-totalité de ses exportations emprunte ce passage. Depuis la rupture des relations diplomatiques entre Téhéran et Washington, conséquence de l'affaire des otages américains en 1979 dans la foulée de la révolution islamique, les deux pays communiquent via la Suisse. Washington n'a pourtant pas utilisé le canal habituel pour transmettre, la semaine dernière, une lettre au guide suprême de la République iranienne, Ali Khamenei, et non au président Ahmadinejad, dans laquelle il est mis en garde contre toute tentation de fermer le détroit d'Ormuz. Cette lettre, à travers laquelle les Etats-Unis menacent clairement d'intervenir militairement si l'Iran venait à mettre ses menaces à exécution, a emprunté des voies secrètes. Depuis une quinzaine de jours, en effet, l'Iran menace de fermer ce détroit large d'à peine 40 km, par lequel transitent 30% du trafic pétrolier mondial, si les pays occidentaux adoptaient de nouvelles sanctions relatives à son programme nucléaire soupçonné de comporter un volet militaire. Or, dès le 23 janvier prochain, l'Union européenne finalisera les modalités d'un embargo sur le pétrole iranien, qui pourrait être mis en place sur un semestre. Pour les observateurs avisés, la fermeture du détroit d'Ormuz serait un suicide économique pour l'Iran parce que la quasi-totalité de ses exportations emprunte ce passage. Le risque n'en est pas pour autant évacué. “Si vous me demandez ce qui me tient éveillé la nuit, c'est le détroit d'Ormuz et ce qui se passa actuellement dans le Golfe arabique”, a déclaré à ce sujet l'amiral Jonathan W. Greenert, chef des opérations navales américaines. Les craintes sont d'autant plus justifiées du côté américain que, techniquement, “fermer le détroit est très facile pour la marine iranienne. C'est comme boire un verre d'eau”, selon la formule utilisée par un grand responsable iranien. L'Iran dispose de mines, de flottes de vedettes rapides surarmées et de missiles de croisière cachés le long de la côte, capable d'entrer en action rapidement et de causer des dégâts considérables. La réouverture du passage pourrait alors demander plusieurs mois malgré une intervention américaine massive. Pour le moment et les menaces et les échanges ne sont que verbaux, mais cela suscite déjà une agitation à la fois diplomatique et militaire. Ainsi, le directeur des services de renseignements militaires français, le général Didier Bolelli, s'est rendu en Arabie Saoudite à la tête d'une délégation. Quelques jours auparavant, le ministre saoudien des Affaires étrangères s'est déplacé à Washington, tandis que les Etats-Unis et Israël ont reporté d'importantes manœuvres militaires conjointes, prévues le 15 janvier dernier, en raison “des tensions et de l'instabilité régionale.” À noter que l'Arabie Saoudite, qui s'est proposé de compenser les 450 000 barils/jour que l'Iran exporte habituellement vers l'Union européenne en cas de mise en œuvre d'un embargo, a provoqué la colère de l'Iran. Téhéran a proféré des menaces à peine voilées à son encontre, qualifiant une telle initiative d'“inamicale”. Alors que la tension est à son comble entre Washington et Téhéran, alors même que le programme nucléaire iranien est à l'origine et au cœur du différend, une délégation de haut niveau de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA) est attendue en Iran pour la fin du mois de janvier. M. A. B