Le pays du Soleil levant était l'hôte de la salle Ibn Zeydoun (Oref), jeudi à 18h30, avec la plus ancienne expression artistique : le théâtre Nô. Un art qui a traversé les temps, conservant sa forme originelle. Cette manifestation, placée sous le patronage de la ministre de la Culture, Mme Khalida Toumi, a été organisée par l'ambassade du Japon à Alger, et ce, à l'occasion de la célébration du 50e anniversaire des relations algéro-japonaises, coïncidant avec la célébration du cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie. Une salle de spectacle qui s'était avérée exiguë. Un public nombreux. La plupart des présents étaient là pour découvrir un art ancestral, séculaire, âgé de six cent cinquante ans, consacré depuis 2001 par l'Unesco “patrimoine culturel immatériel” et “trésor oral et immatériel du patrimoine de l'humanité”. Hormis les salles de théâtre, le Nô est présenté également dans des occasions particulières, a déclaré l'ambassadeur du Japon. Et la célébration du 50e anniversaire des relations entre les deux pays en est une, a-t-il affirmé. Pour rappel, ce théâtre ne se produit pas pour la première fois en Algérie. Il a participé en 2010 et 2011 au Festival international du théâtre d'Alger, mais avec un nombre réduit de comédiens. Pour mettre l'assistance dans l'ambiance, deux artistes ont expliqué quelques gestes usités dans ce théâtre, qui renforcent l'acte de jouer, car les comédiens portent des masques au visage, et le spectateur ne peut voir leur expression. La représentation de jeudi avait pour titre Kakitsubata (Iris). Elle appartient à l'une des cinq catégories qui constituent le répertoire Nô : pièces de femmes, une catégorie considérée comme étant la plus poétique et du plus haut niveau d'expression de “Yougen”. Cette pièce met en scène deux personnages : un moine bouddhiste et une villageoise. Par une journée d'été, le moine, en déplacement, découvre que les fleurs d'iris (Kakitsubata) étaient en floraison. Laissant son regard voguer sur ces belles plantes, une villageoise apparut. Elle lui raconta l'histoire du village et lui confia que, jadis, le poète Ariwara no Narihira fit un poème louant la beauté de ces fleurs, et l'invita chez elle. Dans sa maison, elle lui apparu vêtue d'une belle robe et d'une couronne. Elle révéla au moine qu'elle était l'esprit de Kakitsubata, que la couronne qu'elle a sur la tête appartient au poète Ariwara no Narihira et que le vêtement qu'elle porte est celui de son amant Takako no Kisaki… Justesse, discipline, beauté et volupté Sur une scène presque nue, les artistes se placent selon un ordre établi. D'abord trois musiciens entrent, qui seront suivi de six personnes (le cœur), ensuite les deux comédiens, pour, enfin, qu'un autre musicien et trois choristes viennent compléter la mise en place. Chacun des musiciens joue un instrument spécifique et, par ordre (de droite à gauche), fue (flûte), ko-tsuzumi (tambour sur l'épaule), o-tsuzumi (tambour sur la hanche), et taïko (tambour à baguette). La musique fuse avec une certaine précision, comme un nanomètre, ponctuée par des mots, voire des sons pour donner plus d'ampleur au jeu. Les comédiens, avec des mouvements précis, saccadés, occupent l'espace avec de petits pas (le costume qu'ils portent oblige). Malgré un écran diffusant la traduction des textes (plus chantés que dits) de la pièce, il n'était pas difficile de comprendre l'ensemble. Il suffit de laisser son esprit voguer, ne pas chercher à comprendre ce qui est visible mais de déceler ce qui est caché. Car dans la tradition du théâtre Nô, l'essence même de cet art c'est de mettre à nu ce qui est caché. La beauté de la pièce est, entre autres, mise en avant pas les expressions réservées des comédiens, qui mettent en évidence une certaine ambivalence du Nô, qui est “une sorte de théâtre abstrait qui est comparable à quelques styles modernes du théâtre.” “Ancien et nouveau”, l'essence même du Nô. Par ailleurs, cette même pièce sera jouée aujourd'hui au Théâtre régional d'Oran et sera suivie d'une conférence sur le théâtre Nô demain, dimanche à l'USTO, avec une démonstration. A I